vendredi 25 novembre 2011

le temps que les autres boivent


C’était l’une de ces soirées où les gens du bureau oublient pour un moment qu’ils sont collègues et deviennent soudainement chaleureux, drôles et bruyants. De ces soirées où les gens ennuyeux rentrent tôt ou s’effacent pour que l’ambiance s’installe. De ces soirées floues et sensuelles qui accélèrent puis ralentissent dans la musique et les bribes de conversation, dans la pénombre et dans le bruit. De ces soirées qui éclatent en mille petites bulles d’intimité pour laisser à la fin un danseur solitaire, quelques couples improbables, des cadavres endormis, trois irréductibles farceurs autour d’une bouteille et le comptable cherchant inutilement son manteau dans la pile alors qu’il s’est enfui vers le balcon arrière au bras d’une jolie fumeuse.

Pour l’heure, les gens mangeaient, surtout Julien qui voulait retarder le plus possible le moment où il ne pourrait plus s’arrêter de boire. Il entendait encore l’écho des flûtes de faux champagne servi à l’apéro. Malade d’envie, il regardait pour une deuxième et une troisième fois les autres remplir de vin leur coupe déjà vide. Il osait à peine regarder la sienne, plus attirante dans sa robe vermeille que les plus belles des convives. Et quand par malheur, il lui jetait un coup d’œil, il lui semblait pouvoir humer à distance son parfum. Dès lors, ses papilles oubliaient le magret de canard et réclamaient à boire. Mais Julien savait très bien que ses fantasmes délectables tenaient du délire. Il savait qu’il oublierait la fameuse coupe dès qu’elle effleurerait ses lèvres. Dès qu’elle effleurerait ses lèvres, il attendrait la suivante. Avalant le précieux nectar sans plus de plaisir que s’il le jetait au fond de l’évier. Cette seule pensée raffermissait sa volonté, légèrement, un peu, à peine. Manger. N’importe quoi pour ne pas boire. Manger. De la volaille, du riz, des pruneaux, de la salade et une goutte… une goutte de vin. Aigre.

À mesure qu’il ne buvait pas, Julien assistait à la transformation de ses collègues. Daphné, qui en était à sa sixième coupe ─il comptait─, se penchait de plus en plus souvent vers lui, se rapprochant à tel point qu’il aurait pu boire dans son verre. Michel criait sur tous les toits, serait bientôt papa, était déjà fier de son enfant prodigue et exhalait malgré tout une profonde nostalgie du célibat. Simon et Annie parlaient à voix basse, secrets comme s’ils complotaient la chute de quelque empire. Posté au bout du comptoir, Louis le mélomane jouait au D.J., alternait les vieux tubes et les nouveautés en pianotant sur son portable. Les autres riaient d’une blague douteuse concernant l’absence de la trop douce Caroline. Par-dessus le tumulte, Julien entendait la trotteuse de l’horloge tout près du frigo se traîner bruyamment les pieds, effectuer péniblement chaque tour de piste. Le temps, constatait-il, passe infiniment plus vite en millilitres qu’en secondes.

Cette réflexion microscopique résonna en Julien comme un coup de gong. Déclic familier. Celui qui, ce soir, légitimerait sa soif. Pourquoi attendre? À une gorgée, je n’écouterai plus l’heure. À un seul verre, je rattraperai la fête. À une bouteille, je rejoindrai Daphné. À deux, nous chevaucherons la nuit. Et quelques gouttes plus tard, l’aube nous bordera dans le même lit.

Dans la lumière crue du matin, des marteaux dans la tête, Julien se réveilla seul au fond de sa baignoire, à soixante-dix ans.

lundi 7 novembre 2011

apprenti haïkiste

la plume revient vers l'encrier
où étais-tu?
c'est une longue histoire

mon canot silencieux
survole la forêt
sur le reflet des arbres

voir l'automne
au bout d'un bâton
sans couleur

deux maillot oubliés sous un parasol
elle profite de la mer
je profite du soleil

devant l'étui d'un violoniste
le métro passe
sans jeter un sous

au comptoir d'un café
l'ittinérant vide ses poches
sans pouvoir emplir son ventre

un rayon de lune
sur ton côté du lit
brille par ton absence

quelques pincées de sel
sur un chemisier blanc
après la marée rouge

sur la tombe de ma mère
on pleure un ange pendu
avec son auréole

crayon effilé comme une dague
je souffle sur sa pointe
comme sur un revolver

mercredi 28 septembre 2011

les échecs et Monsieur Lipowski

Je rentre de l’école, les mains dans les poches, fixant le trottoir… rêvant à elle. Au loin, Monsieur Lipowski m’interpelle de son balcon, me force à lever les yeux vers la rue, vers les arbres et le soleil de septembre.

Quand il me trouve empêtré dans mes songes, mon vieux voisin me convie chez lui pour une partie d’échecs.

Drôle de bonhomme, M. Lipowski. Bon caractère, toujours bien droit malgré son âge et son penchant pour la vodka, il prétend être Polonais, mais il parle sans accent, et ça lui a pris comme ça, il y a un mois, de m’inviter alors que je ne l’avais jamais remarqué auparavant. Je suis jeune, c’est vrai, mais 15 ans, ça vous laisse quand même le temps de connaître les gens du quartier. On nous apprend à nous méfier des inconnus, celui-là est inoffensif. Quand j’ai le vague à l’âme, M. Lipowski me réconforte en quelques mots. Autrement, il me laisse parler d’elle et je le laisse gagner aux échecs, entente tacite.

Sur la table à café, à moitié placé, le jeu nous attend probablement depuis le milieu de l’après-midi. Avant même que je ne m’assoie, mon voisin me demande ce qu’il advient de Catherine. Arrivée en août, belle comme tout, Catherine est la nouvelle de l’école et la raison de tous mes transports. Comme je lui ai déjà confié toute l’histoire, le vieux Polonais désire surtout savoir si j’ai suivi ses conseils. Tout fier, je lui annonce que j’ai finalement osé aborder la jeune fille et qu’elle m’a promis que l’on se reverrait très bientôt. M. Lipowski me gratifie d’un joyeux sourire.

En affectant un air naturel, il dispose les derniers pions sur la planche et me demande : « Mon fils et sa fille de 14 ans viennent me rendre visite ce soir, aimerais-tu souper avec Catherine Gagnon-Lipowski? Elle me parle de toi depuis votre premier cours ensemble. »

[La consigne était la suivante, rédiger un texte d'environ 300 mots incluant les 10 mots suivants dans l'ordre qui vous plait: âme, autrement, caractère, chez, confier, histoire, naturel, penchant, songe, transports.]

mercredi 17 août 2011

jachères

Pour une saison
Délaisser l'écriture
Et s'occuper un peu
De vivre

Le champs en friche
Un repos bien mérité
Pour des années
De haricots noirs

J'ai été dur avec mes mots
Avec mon coeur
Et mes labours profonds
Comme les tunnels d'une mine

Ça fait du bien
De se tenir debout
Au grand vent
La tête vide

J'ai joué à l'épouvantail
Tout l'été
J'ai chassé des corbeaux
Et j'ai chassé des ombres

Septembre arrive
C'est le temps des semailles
Le champs est fertile maintenant
Et l'encrier, plein de lumière

jeudi 5 mai 2011

si Chaplin le dit...


Après avoir eu l'intention de partager ce texte sur Facebook, j'ai choisi de le mettre ici.

Pour le garder à portée de main, pour les fois où j'oublie, c'est le genre d'écrit empreint de vérité qui me rappelle ce que j'essaie de faire de ma vie.

Je savais que Charlie Chaplin était philosophe... mais je ne savais pas à quel point. Chapeau!
[Si vous préférez: la version anglaise]*


"Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai compris qu’en toutes circonstances, j’étais à la bonne place, au bon moment. Et alors, j’ai pu me relaxer. Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Estime de soi.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnelle n’étaient rien d’autre qu’un signal lorsque je vais à l’encontre de mes convictions. Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Authenticité.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, J’ai cessé de vouloir une vie différente et j’ai commencé à voir que tout ce qui m’arrive contribue à ma croissance personnelle. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Maturité.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai commencé à percevoir l’abus dans le fait de forcer une situation ou une personne, dans le seul but d’obtenir ce que je veux, sachant très bien que ni la personne ni moi-même ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment… Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… le Respect.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai commencé à me libérer de tout ce qui n’était pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie. Au début, ma raison appelait cela de l’égoïsme. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… l’Amour propre.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai cessé d’avoir peur du temps libre et j’ai arrêté de faire de grands plans, j’ai abandonné les méga-projets du futur. Aujourd’hui, je fais ce qui est correct, ce que j’aime quand cela me plait et à mon rythme. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Simplicité.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai cessé de chercher à avoir toujours raison, et je me suis rendu compte de toutes les fois où je me suis trompé. Aujourd’hui, j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe. Aujourd’hui, je vis une seule journée à la fois. Et cela s’appelle… la Plénitude.

Le jour où je me suis aimé pour vrai, j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir. Mais si je la mets au service de mon coeur, elle devient une alliée très précieuse ! Tout ceci, c’est… le Savoir vivre. Nous ne devons pas avoir peur de nous confronter. Du chaos naissent les étoile."

- Charlie Chaplin

*Erratum?: en partageant ce texte je croyais qu'on le devait à Chaplin mais d'autres sources portent à croire qu'il aurait plutôt été écrit par Kim et Allison Mc Millen. Chapeau quand même évidement!!

vendredi 29 avril 2011

silence [radio]

Parfois, les heures passent comme des mois. Aujourd'hui, j'ai vieilli d'un an à attendre de ses nouvelles. Une journée entière à faire semblant de dompter ma dépendance, à vérifier dix fois mes courriels entre quelques notes de musique, à marcher sous la pluie en se demandant l'opinion qu'elle aurait de mes bottes de caoutchouc, à acheter ce qu'il faut pour le repas où elle viendra, à relire sur mon tableau noir cette résolution intenable et douloureuse: "apprendre à attendre".

S'occuper sans y croire en s'interrogeant en boucle sur les raisons de son silence, le coeur sur l'enclume, meurtri par trop de questions. Peur de mal faire, si elle est triste. Peur d'être seul, si elle s'en fout. Peur de la perdre, si elle est fâchée. Peur de se perdre, à force de vivre dans l'infime espace qui reste quand tous les autres ont pris la place dont ils ont besoin. Découragé de revendiquer pour ne rien obtenir, à coup de pétards mouillés et de dynamite à la mèche trop courte.

Dans cet état, il faut s'en remettre à plus grand que soi. À ceux qui nous comprennent sans même le savoir et qui nous sauvent, trois minutes à la fois ; les paroles et la musique des autres sont une bénédiction. Ces temps-ci, c'est Lenka qui chante pour moi:
"I'm just a little bit caught in the middle
Life is a maze and love is a riddle
I don't know where to go, I can't do it alone I've tried
And I don't know why..."

Du coup, je suis de nouveau apte à supporter la solitude, je souris même. Et quand on arrête de l'attendre, le téléphone sonne. Et quand on arrête de l'attendre, c'est elle. On ne se comprend pas toujours, mais elle ne s'en fout pas, et elle s'ennuie, elle aussi.

Note à moi-même: prochaine fois, commencer par la toune.

samedi 23 avril 2011

matin d'audition

Se réveiller tôt. Avoir le trac, le bon, celui qui élève.
Rien de plus.

Quand on a la chance d'avoir une fille étendue à côté, lui embrasser le dos et parler à voix basse... jusqu'à ce que le sommeil la reprenne.

Puis, rester seul les yeux ouverts. Faire le vide pour que le calme s'installe. Regarder la chambre, regarder dehors... avoir tout le temps. Mon corps connait ma lenteur, c'est pour ça qu'il me réveille à cette heure.

Le calme installé, je peux commencer mes petits rituels. Prendre une douche, m'habiller confortablement, me nourrir, écrire et chanter un peu.

Écouter ma musique, ça fait longtemps.

Mon coloc se lève, il jouera le piano. Mon bassiste s'en vient, un ami aussi. C'est une chance d'aller passer une audition accompagné par des amis. Première fois.

On change... je change. Ce matin, j'ai hâte bien plus que j'ai peur. Et le verdict m'importe peu.

Voici la première chanson que je ferai entendre aux juges dans moins d'une heure...

"On voudrait tellement
Arriver vite, arriver loin
On regarde les autres
Ceux qui savent courir, ceux qui ne craignent rien

Y a-t-il un moteur?
Un raccourci, un simple moyen?
Pour oublier ses peurs
Faire taire ses questions, parvenir à ses fins?

On voudrais des ailes
Des ailes...
Mais le bonheur arrive à pied

Délaisser de guerre lasse
Le champs de bataille, le bouclier
Les années d'angoisses
Rendre les armes, les oublier

Plus besoin d'elles
D'elles...
Quand le bonheur arrive à pied"

vendredi 15 avril 2011

au delà de la devinette

Ça ne se mange pas. Ça n'est pas joli. C'est rouge, tirant sur le brun. Et mou.

Ça tient dans une main. Ça vient sans emballage. Et pour la majorité des gens, c'est inutile à recevoir.

Tout petit, j'aurais dit: tu parles d'un cadeau!

Mais au delà de la devinette, au moment même où ce cadeau est offert, une famille est en deuil...

Mon père a un nouveau rein. D'un donneur décédé.

Je ne sais pas qui remercier. Je ne sais pas comment. L'équilibre fragile entre les évènements nous interdit de dire "c'est la vie qui suit son cours", sans vraiment y penser...

Alors j'envoie ma gratitude sincère et mes condoléances à l'univers. Qu'elles retombent en pluie douce ou en rayons de soleil. Et qu'il en sorte quelque chose de beau.


vendredi 8 avril 2011

mode d'emploi d'un humain [1 de 7 000 000 000]

À ceux qui se sont déjà dit: "ça serait donc pratique d'avoir le mode d'emploi des humains!".
En voici au moins un, le seul que je pouvais faire.
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FR2011 MODE D’EMPLOI
0. Note à l’acquéreur
Félicitations, vous venez de choisir de passer une partie de votre temps en compagnie du François Roy 2011 (FR2011), un humain d’excellente qualité qui, bien utilisé, vous procurera des heures de plaisir!
Ce manuel vous indiquera certaines spécificités de cet être complexe ainsi que des méthodes pour identifier et régler certains problèmes techniques de manière à profiter au maximum de votre FR2011.
1. La communication et l’échange
Votre FR2011 est doté d’une très appréciable capacité d’écoute. Vous pouvez presque toujours vous fier sur lui pour partager vos moments difficiles ou exaltants, vos petites joies ou petits tracas, ou simplement une longue journée au boulot.
Par contre, le FR2011 requiert lui-même une bonne dose d’écoute. Il vous parlera spontanément mais, lorsque vous vous sentez réceptif, invitez-le à s’exprimer!
À moins qu’il vous le demande, notez qu’il n’est pas nécessaire de répondre à ses états d’âmes par des conseils. Des mots de validation de ses sentiments tels que « ayoye, c’est donc ben cool! », « heille, j’te comprends !», « tu devais être déçu/satisfait/etc. », « content pour toi! », « niiiiiiiiice! » et autres commentaires du genre seront encore mieux reçus.
2. Les antennes hypersensibles
Les antennes hypersensibles de votre FR2011 détecteront généralement les subtiles variations émotives de son interlocuteur. Par contre, le FR2011 n’est pas programmé pour les décoder.
Il essaiera alors de sonder la nature de cette fluctuation par différents moyens tels que des questions (« Ça va-tu? », « Comment-tu te sens? », « Qu’est-ce qui se passe? »), des regards (regard interrogateur ou un regard complice qui tente de traduire l’émotion de l’interlocuteur) ou des gestes (tourner la tête en votre direction, vous prendre la main, etc.)… cela dans le but d’atteindre la communication et l’échange décrits précédemment. Nous vous encourageons donc à vous confier le plus authentiquement possible à votre FR2011.


3. Mauvais fonctionnement et solutions
Voici en ordre croissant de gravité, les principaux problèmes que vous risquez de rencontrer avec votre FR2011, les causes et les manières de les contrer.
3.1 Le flot incessant de parole (mais ça parle donc ben c’t’affaire là!)
Symptômes : votre FR2011 vous sature d’un flot incessant de parole. Dans un contrariant et stupéfiant exemple de mouvement perpétuel, sa yeule semble vouloir se faire aller jusqu’à ce que mort s’en suive (la mort de qui, ça reste encore à déterminer).
Cause : il se peut qu’il soit simplement trop emballé par ce qu’il raconte (auquel cas, ce n’est pas vraiment grave) ou encore qu’il tente à tout prix d’entrer en mode « communication et échange ». Il est alors préférable d’agir tôt que tard.
Solutions :
1- Faire cesser brusquement le flot incessant de parole en arrêtant carrément de répondre ou en manifestant votre exaspération de manière agressive. (Ex: « Ta yeule, gros esti de cave!»)
Bien que très efficace, cette solution déclenchera presque automatiquement la « mise en déroute » de votre FR2011 (point 3.3). À éviter puisque la résolution du problème en entraîne un pire encore.
2- Discrètement couper court à la conversation en changeant subtilement de sujet ou en feignant d’écouter.
Le FR2011 est souvent berné par cette tactique. Cependant elle peut faire basculer votre FR2011 en mode hyper-sollicitation (point 3.2), ce qui décuplera votre exaspération au lieu de la réduire. La possibilité de déclencher une « mise en déroute » immédiate ou rétroactive n’est pas écartée.
3- La meilleure solution est encore de prendre une pause ─ en l’interrompant doucement ou en posant un doigt sur ses lèvres si votre degré d’intimité vous le permet ─ et de prévenir délicatement votre FR2011 de votre saturation.
À supposer que le sujet vous intéresse, vous pouvez proposer de reprendre la discussion plus tard. Vous pouvez également tenter par quelques questions de détecter les causes de ce flot incessant de parole afin de rétablir le mode communication.


3.2 L’hyper-sollicitation (he’s all over the place!)
Symptômes : Votre FR2011 vous suit partout dans la maison, il veut toujours vous faire face même si vous tentez de vaquer à vos occupations, il provoque des contacts physiques plus frénétiques que chaleureux, il parle sans trêve, il parle trop fort… les symptômes d’hyper-sollicitation peuvent être aussi variés qu’irritants.
Cause : L’hyper-sollicitation FR2011 est généralement déclenchée soit par un manque d’attention ou par un dérèglement des antennes hypersensibles et du mécanisme de questions sous-jacent. Il y a de fortes possibilités que votre FR2011 ait détecté un changement d’émotion (probablement négatif) de votre part mais qu’il « freak » (tout bonnement) au lieu d’entrer en mode communication.
Solutions :
1- Faire cesser brusquement le mode hyper-sollicitation en manifestant votre exaspération de manière agressive. (Ex: Une bonne vieille claque dans face ponctuée d'un « C'est tout ce que tu mérites, gros esti de cave! »). Cette solution ne fonctionne pas toujours et déclenchera à coup sûr une « mise en déroute ». Pire encore, en cas d’échec, elle peut provoquer l’une des rarissimes et vraies colères du FR2011 (et ÇA, les gens qui y ont survécu pour en parler vous le diront, n’est pas must sur la liste des choses à voir dans votre vie).
2- La meilleure solution est de faire remarquer au FR2011 son état d’hyper-sollicitation pour désamorcer le problème. Ensuite, tâchez de sonder vos propres sentiments. Le FR2011 aimerait souvent adopter un comportement « adéquat » face à cette émotion (probablement négative) qu’il détecte et ne parvient pas à définir, vous êtes la personne la mieux qualifiée pour lui donner des directives. Dans le meilleur des cas, vous pouvez également voir du côté de votre François Roy 2011 comment il se sent lui-même… il aura probablement des choses à vous dire.
Mise en garde : Tenter de faire cesser subtilement le mode hyper-sollicitation en esquivant les différents symptômes n’est pas réellement une solution! À ce stade-là, le FR2011 ne comprendra généralement pas le message et superposera moult et moult symptômes jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus. Ultimement, vous serez donc toujours contraint à l’une des deux solutions proposées ci-haut (on vous ré-encourage à commencer par la meilleure!).


3.3 La mise en déroute ou syndrome de la « niche à chien »
Symptômes : Votre FR2011 est distant, mélancolique, il a le regard vague, les yeux tristes, il parle beaucoup moins qu’à l’habitude, il boude ou il s’efface… bref, vous avez la paix!
Félicitations, vous avez provoqué (du moins, c’est ce qu’il dira) une mise en déroute volontaire ou accidentelle du FR2011!
Cause : La niche à chien est le dernier recours du François Roy 2011 face à un problème non résolu. Quand il a l’impression d’avoir essayé de communiquer sans succès (et à l’occasion, ce n’est qu’une impression), le FR2011 bat en retraite. Sa nature habituellement si conciliante et joviale fait alors place à un braquage sévère et une attitude sournoise de victime.
Un FR2011 sain peut être seul dans son coin ou légèrement en retrait et être très heureux (ce qu’il conviendrait d’appeler le mode « plante verte »). Son tempérament tranquille et solitaire peut rendre la détection d’une mise en déroute très ardue pour les non-initiés. Il lui sera alors facile de feindre un état normal tout en continuant de ruminer plus à son aise et de maudire le fait que personne ne vient à sa rencontre pour vérifier ce qui ne va pas.
Solutions :
1- Ignorer la mise en déroute. Tant que vous l'ignorerez, le FR2011 restera généralement à distance ou s’éloignera de plus en plus. Il reviendra vers vous seulement s’il juge que vous en valez la peine et fera rarement tout le chemin. Cette solution doit être utilisée en toute connaissance de cause.
2- Aller au devant du FR2011. Comme un chien dans sa niche à chien, le FR2011 en déroute rêve de vous voir revenir. Il a été échaudé et ne s’est pas senti respecté mais il vous aime bien au fond. Si vous parvenez à mettre temporairement de côté vos propres inconforts et frustrations pour tendre la main au FR2011, il sera plus qu’heureux de reprendre le dialogue.
Note historique : La fonction « mise en déroute » existe depuis le tout premier modèle, le FR1976, et tous ses proches finissent par en faire l’expérience. Le terme « niche à chien » quant à lui, est une trouvaille de l’ethnologue Geneviève Morissette qui par son fougueux caractère a pu provoquer et documenter un nombre impressionnant de mise en déroute du FR à travers les âges tout en réussissant à tout coup à faire ressortir le FR de sa niche à chien.


4. Entretient et conseils pratiques
Avant de terminer, voici la section fourre-tout, où on met ce qu’on n’a pas réussi à mettre ailleurs mais qu'il est quand même important à savoir sur votre FR2011.
4.1 Celui qui le dit pas…
Le FR2011 n’aime pas les reproches. Il croit que l’on devrait dire ce qui nous tient à cœur plutôt que de se laisser deviner. Mais le FR2011 reconnaîtra qu’il oublie lui-même sa devise et qu’il est bon de la lui rappeler : « Celui qui le dit pas, c’est lui le cave! ».
4.2 Vos désir sont des ordres?
Étant donné sa nature conciliante, le FR2011 acceptera instinctivement plusieurs arrangements, parfois au détriment de son bonheur. Pour éviter les « niches à chien », il est recommandé de le consulter souvent, surtout lors d’un changement de plan, car il aime la stabilité et la prévisibilité. Il est bon de lui redire que vos désirs sont des désirs et non pas des ordres.
4.3 Mise à jour automatique
En quête de constante amélioration, le FR2011 est programmé pour se mettre lui-même à jour, modifiant certains de ses mécanismes. Il vous fournira sur demande une nouvelle version du mode d’emploi s’il juge que celui-ci est obsolète. Nous vous invitons également à lui transmettre votre propre mode d’instruction pour faciliter encore d’avantage vos interactions.
5. Le mot de la fin
Vous connaissez maintenant les mécanismes importants de votre FR2011, vous n’avez plus qu’à découvrir ses bons côtés et à bénéficier de ses nombreuses qualités!

dimanche 20 mars 2011

la première femme que j'ai aimée

Il m'a fallu attendre, ou plutôt atteindre 34 ans avant d'aimer une femme pour la première fois.

Avant, je préférais les filles.

Ô, bien sûr, il y a ma mère que j'aime et que j'admire. Il y a ma mère, quelques enseignantes et quelques mentors, mais ce n'est pas la même chose. Il y a Francine Laramée qui, en secondaire 5, a transformé une matière ennuyeuse au possible en une chose fascinante et remis en place plusieurs morceaux d'un casse-tête jusqu'alors insoluble: la langue, ma langue, le français. Il y a Luce Beaudet, professeure à l'université de Montréal, un génie de la pédagogie, un être hors du commun, qui mériterait plusieurs prix qui n'existent probablement même pas mais que des centaines d'étudiants lui auront décernés, avec le coeur, au fil des ans ; ce qui, au bout du compte, est au moins aussi valable. Il y a Marie-Claire Séguin, LA Marie-Claire Séguin, qui exige et qui donne une présence tous les instants, qui force l'incarnation et qui ouvre l'âme en la faisant chanter. Il y a Céline Tremblay, ma rédactrice en chef, intelligente sur tous les fronts, capable, professionnelle et directe, sans perdre son humanité. Il y a celles là et quelques autres... mais ce n'est pas la même chose.

En amour, jusqu'ici, je préférais les filles. J'appréciais chez mes blondes et mes amantes leur candeur, leur fraîcheur, leur potentiel infini (mais indéfini), leur utopisme, leur volonté et leur capacité de vivre au jour le jour. Je recherchais, je chérissais et je nourrissais leurs traits propres à la jeunesse, parfois au détriment de notre maturité commune et sans m'apercevoir qu'au fil du temps, je devenais mûr pour autre chose. J'ai connu des femmes, mais je ne les ai jamais vraiment aimées dans leur plénitude d'adulte.

Depuis quelques semaines, j'en fréquente une. Une vraie belle femme dans sa plénitude d'adulte. Mature, brillante, sexy, audacieuse sans être étourdie, avec du vécu et du "encore à vivre", avec des épreuves sérieuses (et surmontées!) à son actif, qui se connait et s'apprécie assez pour se suffire et pour profiter de la présence de quelqu'un à la fois. Une qui me plait avec des boucles d'oreilles et une tenue de madame autant que dans un look de sportive ou un costume d'Halloween (bon, à choisir, je la préfère encore toute nue, on vieillit, mais boys will be boys).

Récemment, elle me demandait:
- À partir de quand tu considères que tu as une blonde?
- Je sais pas trop: maintenant?
- Ça tombe bien parce que je commence à dire "chum" au lieu de "fréquentation" à l'occasion.
- En fait, je dirais que le concept chum-blonde est en lien direct avec mon envie de ne pas aller voir ailleurs... et j'ai pas envie d'aller voir ailleurs.

Pas plus compliqué que ça. Sourires de part et d'autre.

Ensuite, j'ai fait une pseudo-déclaration d'amour qui, sans être la pire de l'histoire des déclarations d'amour, était assez piètre. Mais bon, je crois que le message s'est frayé un chemin. Je suis rendu un peu plus prudent avec les mots (Hein? Toi!? Prudent avec les mots!? Baha!). Il y a des moments où ils sont tellement imprécis. Les sentiments sont de nature complexe et changeante. Le temps de dire "il est 11h54 et 32 secondes", l'aiguille a déjà fait un pas sur le cadran.

Bref, j'en suis encore à redéfinir ma perception de l'amour, trop tôt encore pour les belles déclarations, mais si j'en avais une toute prête aujourd'hui, je la dédierais à la première femme que j'ai aimée.

vendredi 11 mars 2011

une décapitation sanglante ; une solution aux coups à la tête

Les prémices:
- Je suis devenu un vrai fan de hockey assez récemment (quelques années, pas plus). Ce que je vais dire ici, les faits comme les hypothèses, ne sera peut-être pas nouveau pour plusieurs. Je m'en excuse à l'avance mais j'espère quand même que ça vaudra la lecture.

- Mardi cette semaine, 8 mars 2011, le grand Zdeno Chara (6'9'') a servi à Max Pacioretty une mise en échec qui a amené la tête du hockeyeur à venir frapper l'endroit où commence la baie vitrée après le banc des joueurs. Bilan? D'un côté, vertèbre fracturée au milieu de la colonne vertébrale, commotion cérébrale sévère et chance inouïe de pouvoir encore bouger; pour ce qui est du hockey, on verra. De l'autre côté, 5 minutes de pénalité et inconduite de partie.

- Il paraît que le débat des coups à la tête fait rage depuis que ce sport existe (je dirais même que ça remonte à l'âge de pierre et des massues, mais comme je suis néophyte...). Et l'on se demande encore: comment en venir à bout?

...

Les prémices sont faites... et les solutions (de marde) sont nombreuses.

La ligue pourrait légiférer d'elle-même. Les joueurs (via un truc appelé l'association des joueurs) pourraient se mobiliser. Les partisans pourraient refuser d'aller aux matchs. Les commanditaires pourraient se retirer en bloc.

Est-ce que quelqu'un y croit? Levez la main! [Boule de foin roulant dans le sable du désert...] Je vais prendre ça pour un non.

Sérieusement, j'ai crû que le gars était mort! Je n'ai pas eu le coeur à écouter la fin du match. Et l'on se demande encore comment en venir à bout?

J'en suis à croire qu'une solution réelle et efficace soit qu'un joueur soit tué sur la glace, le plus rapidement possible, dans un exemple saisissant pour l'imaginaire collectif.

La situation idéale impliquerait deux superstars dans une mise en échec vicieuse, mais de routine, de celles qu'on voit à chaque match. Il y aurait aussi beaucoup de sang. Et un décès sans équivoque.

Si la tête de Pacioretty avait été arrachée pour retomber sur les joueurs au banc des Bruins.

Si seul le corps de Pacioretty avait glissé devant le banc du CH.

Si Zdeno Chara, les joueurs, les coachs, les arbitres, la foule et les téléspectateurs avaient dû fixer un corps secoué de spasmes se vider de son sang, devenir de plus en plus flasque, puis raide...

Si les médecins des deux équipes avaient dû baisser dignement leurs épaules de professionnels pour bien nous faire comprendre, tous, qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire que d'arrêter le match.

Là.

Là, on aurait vu les choses autrement. L'intention de l'agresseur, les sanctions qui s'imposent, les limites réelles de notre goût pour le jeu robuste... quel est le poids de tout ça quand il y a mort d'homme?

En vérité, même plus nécessaire de remplacer le méconnu "Max Pac" par Sidney Crosby, ni d'avoir une décapitation, tant qu'il y ait décès, flagrant et en direct.

Je n'en suis pas réellement à souhaiter que la situation se présente, mais plus j'y pense, plus je crains cette fin inéluctable. Quelqu'un a une meilleure idée? Viable?

lundi 7 mars 2011

de l'essence et de la blessure, dialogue


Mon dernier billet a été inspiré d'une phrase d'une personne sage en qui j'ai confiance et qui affirme que:
«On se séduit dans notre essence mais on se rencontre dans notre blessure».

Suite à ce billet, j'ai reçu un message d'une autre personne sage en qui j'ai confiance qui (à première vue du moins) vient contredire et nuancer non seulement mes propos, mais l'affirmation elle-même...

Je vous laisse le texte complet avant d'en reparler plus bas:

« Premièrement, je ne crois pas « l’essence des personnes ». Selon cette terminologie, chaque personne aurait un ensemble de caractéristiques relativement stables, innées ou acquises, l’histoire ne le dit pas. Mon expérience me montre que les humains sont plus changeants que cela. Je ne nie pas que certains traits de caractère puissent avoir une base biologique. Je suis aussi assez convaincu que la socialisation de la petite enfance laisse des marques profondes. Mais, à mon avis, rien n’est totalement immuable, ce que laisse croire le mot essence.

Deuxièmement, l’affirmation que tu commentes laisse croire que l’« essence » de chaque humain est fondamentalement positive. Bien que je puisse admettre que l’on séduise d’abord en présentant les caractéristiques les plus agréables de notre personne, je ne pense pas que les humains soient agréables par essence. Mon expérience me laisse croire que tous les êtres humains sont passablement ambivalents. Ils sont capables du pire et du meilleur.

Troisièmement, se rencontre-t-on dans notre blessure? Il est indéniable que tout humain a sa part de blessures. La découverte de la blessure de l’autre est effectivement un moment clef de la rencontre.

Quatrièmement, j’articulerais assez différemment, le lien entre blessures et côtés plaisants de notre personnalité à mon avis la séduction table effectivement sur nos réels aspects plaisants, mais elle repose aussi en partie sur une illusion, parfois sur un mensonge. La séduction camoufle consciemment, ou inconsciemment, la part d’ombre qui nous habite. Ombre qui découle directement de notre blessure. Je pense donc que toute séduction repose à la fois sur nos aspects positifs et sur notre blessure, telle qu’elle se présente, déformée par nos mécanismes de défense, qu’ils soient conscients ou inconscients.

Cinquièmement, avec le temps, chacun de nous voit à travers le miroir déformant de l’autre. La blessure apparaît. On peut alors adopter deux attitudes, construire une relation qui ait pour base le renforcement des mécanismes de défense, pas très intéressant. Ou, plus stimulant, source de ce que je nommerais le véritable amour. Apprendre à aimer l’autre avec ses blessures. Lorsque cela se passe, les mécanismes de défense ne sont plus aussi nécessaires dans le cadre de la relation. On peut alors briller de nos seuls traits positifs, sans dépenser une précieuse énergie de surenchère visant à camoufler les blessures. Je crois que c’est la source de la longévité d’une relation. Cela ne signifie pas que les blessures de l’autre, ou les nôtres, ne nous font pas souffrir à l’occasion, mais il y moins de véhémence dans la confrontation et plus de support mutuel pour la surmonter.
Food for thoughts... »

Il y a matière à réflexion, c'est le moins qu'on puisse dire!

Les humains sont capables du meilleurs comme du pire, ils ne sont pas agréables par essence et l'essence, par définition, est une chose immuable alors que les hommes, eux, sont changeants... j'achète (MAIS!!).

J'achète mais, utiliser une définition plus souple de l'essence, choisir de rechercher chez les gens leur fond positif et leurs côtés brillants, accorder une plus grande part à ces facettes, n'est-ce pas déjà leur donner meilleure une chance de surmonter leurs blessures? N'est-ce pas une manière d'orienter les gens vers le meilleur plutôt que le pire (puisqu'ils sont capables des deux)? N'est-ce pas justement leur offrir plus de latitude et de "muabilité"?

Je crois que l'affirmation initiale ne nie pas la part d'illusion ou de mensonge que peut induire la blessure dans la séduction, je crois qu'elle la fait délibérément passer en second plan. Je ne crois pas qu'elle soit candide ou naïve au point de sous-entendre que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"... je crois plutôt qu'elle est un rappel que "tout le monde a du beau et tout le monde a du gentil"!

Et c'est pourquoi je crois qu'au final, mes deux sages se rejoindraient probablement aux quatrièmement et cinquièmement du deuxième texte. À mon avis, ils diffèrent surtout dans leur degré scepticisme.

J'aime bien l'idée de donner aux gens le bénéfice du doute, d'agrémenter l'objectivité et le réalisme d'une part de rêve et d'espoir, de chercher à se délester de la méfiance pour faire place à autre chose... "tricher" vers le positif (ou simplement mettre l'emphase là-dessus) pour infléchir la balance du monde dans ce sens là.

Food for thoughts...

mercredi 2 mars 2011

d'ici à se qu'on se rencontre...


Hier matin, presque de manière anodine, une personne plus âgée et plus sage m'a dit à propos du couple:

"On se séduit dans notre essence mais on se rencontre dans notre blessure."

Des phrases de même, dans ma tête, tu sèmes une graine le matin, t'as une plante en pot à 10h15 et une jungle amazonienne après le dîner.

On se séduit dans notre essence.

Aux premiers instants d'une relation, on aurait accès à la nature profonde de quelqu'un? Repensant aux qualités qui, dès le début, me charmaient chez les femmes importantes de ma vie, je confirme avec un sourire. Ces traits charmants ne s'estompent pas avec le temps. Au pire, on les perd de vue pour les retrouver intacts quand chacun repart avec son bagage.

Ces traits charmants ne s'estompent pas avec le temps, et ça me laisse fort à espérer pour quelqu'un à qui j'ai envie de dire, en gros, j'aime ton essence. (J'aurai quand même pris la peine de le lui dire autrement...)

On se séduit dans notre essence? Est-ce à dire que l'on ne séduit que d'une seule manière et que tout le monde, toujours, nous perçoit de la même manière et tel qu'on est réellement? C'est quoi, moi, mon essence? Food for thoughts...

Je serais plutôt porté à croire qu'on a tous des facettes dominantes et secondaires et que chaque rencontre peut nous faire briller légèrement différemment. On est des diamants. On est des sapins de Noël.

On se rencontre dans notre blessure.

On se séduit jusqu'à ce qu'on se rencontre. Et on se rencontre dans notre blessure. Aux premiers clashs, que l'on s'irrite seulement l'épiderme ou qu'on lacère profondément dans la chair, on est alors réellement en présence de quelqu'un, avec des failles et des zones sensibles. Pour le dire autrement, on commence par jouer au docteur pour se rendre finalement compte qu'on touche vraiment au bobo de l'autre.

C'est quoi, moi, ma blessure? Quelle est la blessure de l'autre? Est-ce qu'au fil des rencontres, au fil d'essences différentes, je retrouve toujours la même blessure? Food for thoughts...

Nos blessures s'épousent souvent aussi bien que s'agencent nos lumières. Triste constat à première vue parce que ça nous incite à stagner. Le trou d'inconfort qu'on connait est souvent plus facile à choisir que la pente drue qui permet de grandir.

Paradoxalement, nos blessures s'épousent bien mais elles se dévoilent l'une à l'autre en nous offrant au moins le choix de prendre la pente drue pour sortir du trou, en ayant même un compagnon de voyage.

En regardant tout ça, je me dis que j'ai avancé un peu, mais peu. J'ai hâte au voyage...

Et d'ici à ce qu'on se rencontre vraiment, je continue de me concentrer sur l'essence :)

mardi 8 février 2011

sans trop se vanter

Ce gars-là, il écrit comme tu respires: un peu, toujours, sur une base régulière, parce que ça lui rend l'existence plus agréable.

J'ai envie de parler un peu de mon amour de l'écriture, du talent et du don... les nuances, ici comme dans la vie en général, sont d'une importance capitale.

Sans m'égarer, je dois commencer par parler de cours de guitare.

J'enseigne la guitare depuis maintenant 15 ans et j'entends chaque année des gens me dire des phrases comme: "J'aimerais donc ça jouer mais j'ai aucun talent". [Bruit de buzzer de type "mauvaise réponse"] HHIIIIIIN! (Ça s'écrit comme ça, j'ai vérifié)

Plus rarement, j'entends: "j'aimerais être bon mais je n'ai pas envie de mettre le temps nécessaire pour apprendre". GLING! (ici, vous aurez reconnu le bruit de buzzer de type "bonne réponse")

Pour moi l'amour d'une chose, c'est le point de départ du talent, ou à tout le moins ce qui permet de le développer. Le don, c'est une autre histoire. Petite confidence (qui est presque de notoriété publique): j'aime la guitare mais j'avais peu de talent... maintenant j'ai du talent mais je n'aurai jamais le don.

Mon amour de l'écriture. Non mais, c'est pas formidable ce médium là?!! En enlignant des caractères auxquels on a donné un sens on peut partager une pensée, des histoires, des émotions ou n'importe quoi dont on ait envie!

Chaque fois que je lis un auteur décédé, il est en train de me parler d'outre-tombe. Creepy? Pantoute: époustouflant!

On peut transmettre aussi bien notre bagage que celui de quelqu'un d'autre. Paraît que tel scientifique a dit "ci", que Boudha a dit "ça" et que Steve (prononcez Stive) fait dire "que".

On peut énoncer des faits, des mensonges ou des demi-vérités, comme ça nous chante. Entre vous et moi, allez donc savoir si Boudha a vraiment dit "ça" et si Steve fait vraiment dire "que".

Malade!

En plus, on peut jouer dans la tête du monde. UN ZÈBRE RAYÉ DANS LE MAUVAIS SENS AVEC UNE QUEUE EN TIRE-BOUCHON. Haha! Je t'ai eu, ça existe même pas! Mais tu l'as vu pareil!

En plus plus (je sais, ça se dit pas... mais ça se dit, puisque je viens de l'écrire), on peut créer mille images pour mille lecteurs à partir des mêmes mots. Si j'écris: "Pense à une photo de ton père", on verra tous une image différente... à moins qu'on soit frère/soeur et qu'on pense à la même photo ou que des pères jumeaux aient pris une photo identique.

Yé!

L'écriture, franchement, c'est trop hot! L'amour que je porte à l'écriture est bien plus grand que ÇA. Je pense que si je pouvais coucher avec l'écriture ou lui ériger une statue, je le ferais! Mais bon, faut passer à autre chose... snif.

Le talent. J'ai déjà bien entamé le sujet avec mon histoire de cours de guitare.

Mon point principal est le suivant: la majorité des gens ont au moins un peu de talent dans la majorité des choses, toutes les choses. Après, c'est l'amour et le temps qui aident à développer un talent.

Dans mon cas, j'ai la chance de me demander souvent ce que j'aime et je suis fier de m'être octroyé du temps pour m'y consacrer.

D'ailleurs, les gens me disent souvent: "T'es musicien/auteur/whatever, t'es chanceux, tu fais ce que t'aimes". [Son de buzzer mitigé ici] GLIIII-HIIIIN!

Pour préciser ma pensée, je reprendrai approximativement les paroles d'un analyste de hockey: "Les bons joueurs sont chanceux, les joueurs chanceux sont bons, dans cette ligue-là, il faut que tu fasses ta chance". Bonne nouvelle tout le monde (!!), dans toutes les ligues, il faut que tu fasses ta chance!

Un gros coeur peut combler tout le manque de talent, mais pas l'inverse. C'est pas moi qui ai inventé ça, mais c'est bon de taper sur le clou.

Le don. On arrive ici au véritable but de tout le billet: TAC! (et remarquez que le choix du titre n'est pas anodin, c'est sûr, j'ai un don, TAC encore!)

J'ai un don?? Moi?! Plus le temps passe et plus j'ose croire que oui...

Il y a des gens qui veulent et qui travaillent fort pour écrire et même qui finissent par très bien le faire, mais qui sentent que ça sera toujours un effort (je vous faisais une confidence sur la guitare tantôt... hep).

Pour moi, l'écriture c'est différent. Je suis doué avec les mots. Comme ça.

La chose belle et horrible du don, c'est qu'on le possède sans avoir l'impression d'avoir travaillé pour.

Accepter l'amour qu'on porte à quelque chose, c'est assez naturel. Accepter d'être fier de son travail est déjà un peu plus ardu. À partir de quand a-t-on assez travaillé pour oser être fier de soi? Mais accepter un don, ça frôle la outrageusement la vantardise.

Je parle de tout ça parce que j'ai envie d'accueillir ce don pour l'écriture et que je crois c'est nécessaire pour en tirer un jour le maximum, pour m'épanouir et en faire bénéficier les gens autour, humblement.

Je parle de tout ça parce que je suis certain que la majorité des gens ont un ou des dons réprimés, par gêne, par pudeur. Refuser un don, c'est pas de la modestie, c'est se priver et priver le monde d'un cadeau.

samedi 5 février 2011

le poids du sable

Sans le retourner, j'ai déposé sur ma table de chevet un petit sablier ; juste à la hauteur de mes yeux.

En ce moment, mon visage est si près de la fine parois de verre que j'ai presque l'impression d'être à l'intérieur.

Supposons que l'on puisse compter un à un les grains de sable tombant au fond d'un sablier et, simultanément, prendre une photographie n'importe où sur la terre.

J'ai le vertige. Combien de grains de sable dans une minute?

Certainement beaucoup plus que de jours dans une vie. Tant pis, je le retourne.

Grain 1. Seul dans mon lit, samedi matin, avec l'odeur des draps et la pénombre. La chambre est étroite et réconfortante.

En même temps que tombe le deuxième grain, un homme a perdu pied dans une échelle au Vietnam. Il se réincarne en touchant le sol.

Grain 3, une naissance donc.

Puis, un banc de poissons qui change de trajectoire.

L'herbe pousse.

Une poignée de main ridée entre deux frères qui se sont vus la veille.

Le sang s'écoulant normalement dans une veine.

Le même sang sur un écran d'ADN.

Grain 9. Maïs à 13 la douzaine.

Grain 10. Un compte à rebours avant une course de chevaux.

11. Près de chez nous, c'est encore l'hiver.

La tension monte dans une salle de nouvelle.

Des fourmis transportent trois morceaux de mouches.

Les ciseaux d'acier sont retournés sur le coussin et les dignitaires montent l'escalier de la nouvelle bibliothèque en piétinant un ruban rouge en deuil.

Dans sa voiture, un homme replace ses lunettes sur son nez en attendant au feu de circulation.

Un petit météore s'écrase sur Pluton.

Ça y est, j'ai quitté la terre. Si facile de perdre le fil.

Je reviens, en passant par Jupiter qui, elle, est encore une planète.

Le sable s'écoule en cascade. Combien de grains n'ai-je pas vu tomber? Dix mille? Cent? Quelques grammes.

Le temps sous la chute, impossible focus.

Je suis aspiré de l'autre côté de la paroi de verre, de retour dans ma chambre.

J'observe le monticule de sable, un volcan minuscule en train d'imploser. Combien d'univers se fabriquent et s'écroulent dans une seconde d'inattention?

4 252 095 771... au moins.

dimanche 23 janvier 2011

aimer la ville

Il y a des gens pour qui la ville n’est qu’une immense ruine froide peuplée de zombies. À la base, il n’y a que la solitude, qu’on cache derrière des murs, eux-mêmes encadrés par des rues, noyées de bruit, le tout captif dans son aura de smog. Enlevez toutes les couches, disent-ils, vous aurez cent mille poupées russes éventrées et une, minuscule, en train d’accoucher du néant.

J’ai vécu avec la ville assez longtemps pour me demander si je l’aimais encore. Pour l’aimer, il faut la voir à la bonne échelle et faire cela : vivre en elle, avec elle et hors d’elle tout à la fois. Prenez un peu de recul et la ville n’est rien qu’une fine pellicule de ciment posée sur la terre, avec des dinosaures dessous et la galaxie autour. Zoomez suffisamment près et elle n'abrite plus que les tourments et les joies d’un seul cœur, deux si vous êtes amoureux.

Le reste du temps, ne vous laissez pas distraire par le tumulte. Les voitures, les marteaux piqueurs, les sirènes, le pas cadencé des gens dans les tours à bureaux, les inconnus du métro, la publicité et la crasse, ça n’est rien tout ça, c’est le bruit des cigales. D’ailleurs, même en ville, les cigales, les vraies, sont souvent plus bruyantes que l’autoroute.

Pour aimer la ville, il faut la penser comme un village, comme une campagne. Il faut s’apercevoir que l’on connaît tout le monde, que le soleil est le même, que les érables à l’automne perdent leurs feuilles rouges et jaunes aussi bien sur le béton que sur la terre humide et que partout, les feuilles font un son agréable lorsqu’on les piétine.

Pour aimer la ville, il faut accepter sa nature, apprécier d’avoir un million d’âmes à portée de main, pouvoir se glisser dans la multitude et s’en extraire, aimer les enchevêtrements complexes avec sa tête, avec son coeur et avec ses sens.

Pour ne plus craindre d’être happé par la ville, il faut être aussi grand et aussi petit qu’elle. Souvent, j’aimerais avoir voyagé d’avantage, avoir escaladé plus de montagnes et vu plus de lieux différents mais certains matins, je reconnais ma chance… hostile comme elle est, pour aimer la ville, il faut faire un assez long voyage en soi-même, il faut aimer la vie aussi.