samedi 26 juin 2010

enfin la rage

Ça aura pris quelques mois. À 4h00 cette nuit, je me suis réveillé avec l'envie de tout démolir. Les meubles, la vaisselle, les livres, les murs, les choses fragiles ou belles, le neuf, le vieux, les souvenirs. Réduire en miettes jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de nous deux. Plus de toi. Plus rien. Plus jamais.

Je n'étais pas à la maison. Ça urgeait. J'ai rampé par la porte de derrière. J'ai couru comme un défoncé jusqu'au parc en me saignant les poumons et en pleurant de la bile.

Dès que j'y ai été, j'ai arraché tout ce que j'ai pu pour battre tout ce que j'ai trouvé, les arbres, les fleurs, la nature, le béton, les poteaux de métal. Et si j'avais pu attraper quelque chose de vivant, j'aurais voulu. Arracher des ailes, des pattes. Crever des yeux. Faire mal.

Le gros de la crise passée, j'ai continué par soubresauts à casser du bois, lancer des pierres ou des branches dans l'eau ou n'importe où. Avec un bâton, j'ai frappé au hasard. J'ai renversé ce qui se renversait sur la promenade piétonière.

J'ai croisé un homme avec son chien. Il m'a salué. Le chien avait peur. Moi aussi. Ne pas se provoquer. Pour de pas se tuer sur place. L'instinct.

Le chien a détourné le regard. J'ai respiré.

Un peu plus loin, j'ai trouvé une couleuvre morte couverte de fourmis. J'ai écrasé sa tête avec mon pied. Bruit liquide. Les fourmis grouillaient et revenaient sur le cadavre. J'ai eu un frisson.

...

Je ne sais pas à quelle étape du deuil vient la colère. Je serais prêt à parier que je fais les choses dans le désordre. C'est le chaos. C'est normal. Merci les arbres, merci le chien, la couleuvre, les fourmis. Excusez-moi, j'étais plein de plomb fondu. Il était temps. Et on a évité de faire pire.

jeudi 17 juin 2010

sunny side up

Ces derniers temps, j’ai plutôt flirté avec le côté obscur de la force mais ce matin, je prendrai mes œufs sunny side up et un verre de jus à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

Le patron du bar, en nous annonçant que notre contrat ne sera pas reconduit l’an prochain, nous a tout de même complimentés pour notre travail et nos efforts et n’a pas rompu le contrat en cours. 6 mois de sursis… la vie a fait son bout de chemin en fin de compte.

Beaucoup plus de gens que je ne l’imaginais sont sensibles à mes déboires et le manifestent de toutes sortes de manières. Gratitude immense et sobre, pour ne pas gâcher l’instant. Un merci sincère comme un profond soupir de soulagement.

En fin de semaine, en prenant la route avec le band, j’étais partout en même temps. Je reprenais la route pour toutes les places qu’on a déjà visitées et celles qui nous reste à voir. J’avais le sourire dans le cœur, content d’être avec ces gars là, pour aller jouer cette musique là. On peut pas se le dire, mais on s’aime.

À notre retour, il y avait un message dans la boîte de réception de notre site :
« (…) Je vous ai vus la première fois il y a 2 ans et j'avais été totalement renversée, touchée et je n'avais qu'une envie, c'était d'avoir une autre occasion, le plus vite possible, de vous revoir... Ça a pris 2 ans avant que cette occasion ne se présente... Et j'ai ressenti le même plaisir, le même enchantement, le même envoûtement que la première fois... Je crois que le paradis, pour moi, ça doit un peu ressembler à ça... Un genre d'état de grâce...

Bien sûr, il y a l'oeuvre de Dédé, que j'adore. Mais c'est beaucoup plus que ça, j'ai entendu d'autres gens chanter Dédé et les Colocs et ça n'avait rien, mais vraiment rien à voir avec l'énergie, la magie, le courant qui passe entre vous et le talent, l'immense talent qui se trouve en chacun de vous et qui forme un tout indescriptible qui touche le corps, le coeur et l'âme...
»

J’ai envoyé un mot de remerciement. La réponse à mon message de deux lignes est aussi, et surtout, une réponse à dix ans de remise en question quotidienne :
« Merci d'avoir pris le temps de répondre à mon message, c'est vraiment un geste plus que gentil... Je l'apprécie énormément, surtout, ne change pas, tu es un être particulier, un être de lumière, avec une énergie et un sensibilité hors du commun et aussi une grande générosité sur scène... et ça, c'est rare, vraiment rare... N'arrête pas la musique et la scène, on y perdrait beaucoup et toi aussi, je crois... »

Le Big Fucking Worl Wide Web a fait plus qu'amande honorable sur celle là. Et comme un prolongement de tout ça, par un bien curieux concours de circonstances, voilà que ce soir, je rejouerai mes chansons!

Évidement, avec une seule journée de préparation, j’ai un peu peur de comment ça va se passer. Mais je déteste bouder la vie, dès qu’elle fait un élan vers moi, j’ai envie de lui pardonner ses vacheries et d'ouvrir les bras.

J’ai shiné mes chansons tristes. Tant pis si elles détonnent avec l’endroit et le groupe qui va suivre. Je serai là. Aussi entier que je peux l’être. Mes ombres dans une main, ma lumière dans l’autre… open mic, open mind, open heart : sunny side up.