jeudi 9 février 2012

quand la perfection est l'ennemie de l'évolution

Cette semaine, je suis retombé sur une citation attribuée à Paul Valéry qui va comme suit: "Un poème n'est jamais fini, seulement abandonné." Je ne connais Paul Valéry que de nom. À peine. Mais le gars a compris quelque chose d'important.

Le premier fossile de requin date d'environ 450 millions d'années, trois fois plus vieux que le plus vieux dinosaure! Parfaitement adapté à son environnement, le requin "tel qu'on le connait" fêtera cette année son 181 millionième anniversaire... encore surprenant qu'il ait encore des dents dans la gueule.

Le lien entre le requin et Paul Valéry? Ces derniers temps, je commence tout juste à comprendre qu'à partir d'un certain niveau d'obsession, la perfection devient l'ennemie de l'évolution.

Les gens hautement productifs n'essaient pas de faire des choses parfaites. Ils font de leur mieux. Ils font beaucoup et ils peaufinent leur génie en chemin. Ils font attention aux détails, mais reconnaissent le point où la quantité d'énergie déployée devient beaucoup plus considérable que le degré d'amélioration qu'elle confère au projet. Les gens hautement productifs se soucient d'une qualité globale et parviennent à des chefs-d'oeuvres un peu sur le tas... Je ne dis pas ça négativement, de mon nouveau point de vue, c'est l'exemple à suivre!

Qui veut être un vieux requin tout parfait tout gris? Ça lui a quand même pris 269 millions d'année avant d'arriver où il est. Et pourquoi? Pour être la bibitte la plus effrayante de tous les océans. Pendant 181 millions d'années supplémentaires.

Toutefois, en noir et blanc, l'autre choix est de "botcher" la job. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne peux pas. Incapable. Heureusement, la palette est plus nuancée que ça.

Ce que je retiens de la citation de Paul Valéry, c'est que pour les perfectionnistes, le lâcher prise a un petit arrière-goût d'abandon. Il faudra apprendre à vivre avec. Ça me va. J'ai intérêt à me poser plus souvent la question pour savoir où je choisis de faire de l'overtime. L'énergie économisée en arrêtant de me perdre dans les détails me donnera l'occasion de faire plus, dans plus de domaines et, éventuellement, de faire mieux.

Et si on s'attarde au point de départ de ce souci de perfection, on constatera qu'il est beaucoup plus souvent qu'autrement motivé par un désir absurde de ne pas être imparfait (à nos propres yeux, aux yeux des autres) que par le seul souci de bien faire les choses. Cette inaccessible perfection se tient régulièrement dans le chemin de la saine et modeste réussite.

Je choisis de ne pas m'apitoyer sur le temps que j'ai passé à être trop perfectionniste. Avec une once de lâcher prise, je peux m'attaquer à de nouveaux projets intéressants ou décupler ma production et j'ai acquis deux outils fort utiles: le réel désir et la réelle patience de bien faire les choses.

3 commentaires:

  1. Tout à ton honneur mon cher. Plus je vieillis, et plus la phrase "L'enfer c'est les autres" prend tout son sens... Longue vie au lâcher prise!

    M-C

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  2. L'enfer c'est nous-même aussi, faut pas l'oublier!

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  3. C'est vrai que c'est difficile d'apprendre à lâcher prise; je l'ai vu avec la thèse! Dans un processus de création (au sens le plus large), il n'est pas évident de tracer la ligne entre tout ce qu'on pourrait continuer à faire et le moment où le « produit » nous inspire assez de fierté et de satisfaction pour le laisser aller.

    Mais on m'a répété pendant 5 ans une phrase qui s'applique aux études doctorales, mais qu'on pourrait sans doute élargir : « La meilleure des thèses, c'est une thèse terminée. »

    Quand j'ai été embauché comme prof, on m'a aussi dit quelque chose qui m'a bien fait sourire, mais qui traduit sans doute une certaine vérité : « Tu vas devoir apprendre à faire les choses vite et mal. »
    Entre les milliers de trucs que l'on pourrait faire, ceux devant lesquels on ne peut se défiler et ceux qui nous tiennent vraiment à coeur, il faut choisir nos combats, quitte à franchir certaines étapes de façon moins brillante, mais en gardant les yeux fixés sur l'objectif au bout là-bas...

    D.

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