vendredi 24 février 2012

frais de scolarité, grève et médiocrité à l'université [contre]

Je ne connais pas les chiffres. Que ceux que ça embête fassent demi-tour, mon discours se fondera sur des intuitions, des bribes de savoir et des tendances idéologiques subjectives.

Tout ça pour apporter des réponses partielles et un paquet de questions.

Contre la hausse des frais de scolarité
Mes parents étaient communistes. À toute question sociale, même quand ma raison se met en branle, je penche instinctivement vers le peuple...

Comment les pauvres arrêtent-ils un jour de l'être dans un système qui ne leur laisse qu'un accès partiel au savoir? Où le peuple acquiert-il son pouvoir s'il n'a pas accès aux hautes sphères d'éducation?

J'ai lu des articles qui prouvent que, même après la hausse, notre éducation demeurera somme toute accessible et que même les moins nantis seront toujours en mesure d'aller à l'université. Les preuves sont là. Et pourtant je ne change pas d'avis: contre la hausse des frais de scolarité.

Les moins nantis seront toujours en mesure d'aller à l'université, d'accord. Mais ils travailleront tout en étudiant alors que les plus riches n'auront qu'à se concentrer sur leurs études. À capacités égales, les pauvres partiront avec un simple mais sérieux handicap de temps... et un stress immanquablement plus grand. Ils devront atteindre les mêmes objectifs que les autres, dans des conditions beaucoup moins favorables.

Et qu'on ne me sorte pas l'argument: "la vie est injuste, c'est comme ça". Je suis tout-à-fait d'accord que la vie est injuste, mais si elle l'est autant, c'est parce que trop peu de gens s'attardent réellement à la rendre plus juste! Merde.

D'ailleurs, si les frais de scolarité étaient mesurés en proportion des coûts réels et des opportunités salariales et si on instaurait mode de paiement rétroactif (non pas une dette conventionnelle, mais un genre de surplus d'impôt lié aux coûts des études) en fonction de l'emploi que l'on décroche, j'aurais déjà moins d'objection à les augmenter.

Si un étudiant accepté en médecine peut obtenir auprès de n'importe quelle banque une marge de crédit de 100 000$; si former un médecin coûte cent fois plus cher que de former un bibliothécaire, un musicien ou un anthropologue; si le premier est certain d'avoir un emploi à en terminant ses études et que les autres galèrent pour trouver un poste (quand ils en trouvent un); si un DEP assure un salaire beaucoup plus élevé que bien des BAC; si on juge que le savoir des artistes, des philosophes, des théologiens et de tous les universitaires a une valeur sociale; et si, enfin, la société québécoise continue d'affirmer qu'elle valorise l'éducation... je crois qu'il faut revoir tout le système de prêts, de bourses et de frais de scolarité!

En attendant, je suis contre la hausse.

Contre la grève
J'ai lu deux articles intéressants propos de la "grève". Jean-Benoît Nadeau et Cynthia Ann Sheehan et Caroline Housieaux nous expliquent pourquoi, en tant qu'étudiants universitaires, il nous est étymologiquement impossible de prendre faire un "grève": la définition même du mot ne cadre pas avec notre statut. Mais surtout, ils nous expliquent comment la "grève" nous nuit plus qu'elle nous sert.

À la lueur de ces deux articles, je ne crois pas voter pour la grève. Est-ce que ça se tient?

Tenez-moi quand même au courant des manifestations.

Contre la médiocrité à l'université
Depuis mon retour aux études, je suis affreusement déçu de la tendance à la médiocrité.

Plusieurs profs sont médiocres. Ils sont engagés parce qu'ils connaissent la matière, mais ne sont pas en mesure de l'enseigner adéquatement. Ils sont soit ennuyeux à mourir, soit pris dans des problèmes incompréhensibles de jeux de pouvoir avec les étudiants, soit peureux d'être trop sévères, soit... J'ai vu une prof refuser de réviser la note d'un étudiant alors qu'elle s'était trompée dans l'addition des points d'un examen (25+25+25=70%), j'ai vu un prof terminer son cours une heure d'avance deux semaines consécutives en disant "Eh ben, je pensais que ça prendrait plus de temps que ça...", j'ai vu un très bon prof nous dire qu'il n'osait pas augmenter la difficulté des cours par craintes de représailles de la part des étudiants et de l'administration.

Plusieurs étudiants sont médiocres. Ils ne veulent pas apprendre, ils veulent un papier. Ils ne sont pas près à passer du temps à travailler, mais ils peuvent en prendre beaucoup pour négocier les exigences et les devoirs à  la baisse et les notes à la hausse. Ils n'ont pas les capacités suffisantes pour y être, mais on les a laissé passer au primaire, au secondaire, au cégep et ils ne comprennent pas pourquoi on ne veut pas les laisser passer à l'université. Le pire, c'est qu'ils sont assez nombreux et ont assez de pouvoir qu'ils finissent généralement par obtenir ce qu'ils veulent. À la fin, on se demande pourquoi les diplômes n'ont plus de valeur et pourquoi les ponts nous tombent sur la tête.

Heureusement, pour contrebalancer, j'ai eu aussi d'excellents profs et j'ai côtoyé d'excellents élèves. Mais ils font figure d'exception.

Comme élèves et comme profs, on a intérêt à se responsabiliser et vite. Sinon, on arguera qu'une hausse des frais de scolarité est le seul moyen de départager les bons élèves des mauvais. Et on paiera cher les profs médiocres pour enseigner aux élèves médiocres qui auront toujours les moyens d'être assis dans les universités pendant qu'une grande partie de ceux qui méritent d'y être galéreront plus encore pour obtenir des diplômes d'une valeur toujours aussi douteuse.

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Ce petit ajout vient après quelques semaines de réflexion et plusieurs lectures...

J'ai fini par voté pour la grève et j'ai participé aux manifestations. Je laisse mon texte tel qu'il était pour partager le fait que je crois en cette fameuse réflexion et que je trouve important de se donner le droit de changer d'idée, de se repositionner régulièrement face à nos valeurs pour faire de notre vie un tout de plus en plus cohérent et, si possible, un exemple à suivre.

8 commentaires:

  1. Soyons sévères pour une fois...

    La médiocrité pourrait être un sujet distinct dans la question de la grève et/ou de la hausse des frais de scolarité. Je crois que celle-ci est aussi la conséquence de l'«aplat-ventrisme québécois»; on veut que tous soient «scolarisés», mais sans dissuader les élèves qui n'ont toute fois pas forcément le potentiel de telles études; ce n'est pas ça l'accessibilité, ça c'est leurrer une personne... problème identitaire, de perpétuels soumis sans contestation ni confrontation et je ne parle pas du «chiâlage» généralisé, ça on se débrouille! Prendre les moyens de trouver les solutions c'est un effort exigeant et on y travaille peu, alors ça stagne. Pour moi, la grève relève plus du «chiâlage», que de la recherche de solutions.

    La vraie question c'est comment procurer des études supérieures aux bons étudiants, au mérite, à peu ou pas de frais. Tu es riche et t'as les moyens, tant mieux, mais es-tu qualifié pour ce niveau d'études? Non! Ne viens pas nuire à la classe. Tu es pauvre, mais doué dans les études et en plus ça te motive, on peut t'aider socialement à y parvenir. Comment valider le potentiel d'un élève? Il y a déjà du contingentement dans un grand nombre de programmes, des tests, mais ça semble inadéquat. Est-ce que la démocratisation du savoir est une idée qui a été dénaturée en usine du savoir? Pour moi, nous devons revoir le nombre d'étudiants admis pour réduire les frais, mais pas en fonction de leur capacité de payer, en fonction de la demande du secteur et du potentiel de l'étudiant. Aucun employeur n'embauchera un incompétent, alors pourquoi chercher à remplir un quota de classe si celui-ci ne rencontre pas le niveau nécessaire. Moins d'élèves incompétents égal aussi moins de profs... moins de bétons. Plus de valeur au diplôme.

    J'ai terminé mon BAC et en comparant au niveau des élèves de mon DEC, force est d'admettre que le niveau était meilleur au DEC. C'est une anecdote personnelle, mais comment cela se peut-il? Remplissage de classe?! je le pense.

    Ensuite la fameuse question de l'endettement. On ne peut mettre tous les champs d'études dans le même bateau. Lorsqu'on étudie pour devenir pharmacien, les études sont longues et coûteuses, pour l'étudiant, mais aussi voir surtout, pour la société. Disons que celui-ci termine avec une dette de 100000$, il commencera par ailleurs à travailler au salaire de 100000$/an. Une étudiante de théâtre qui fait son BAC en théâtre, aura une dette d'environ 14000$, si elle choisi de se consacrer à temps plein à ses études comme notre pharmacien. Elle débutera cependant sa carrière en restauration avec quelques projets de pièces pour un salaire moyen de 16000$/an. Qui terminera de payer sa dette en premier? Qui a le plus bénéficier du système d'éducation? Qui devrait payer plus?

    Je pense que celui qui bénéficie davantage du système doit payer plus et la meilleure manière de faire ça c'est l'impôt et non les frais étudiants fixes.

    Tous souhaitent un monde plus humain et égalitaire (en théorie), mais on met en place un système qui favorise l'avoir personnel et ce, dès nos études. Surprenez-vous pas de voir moins d'étudiants dans les programmes d'histoire, d'arts, de socio, de langue et autres domaines non-lucratifs puisque l'endettement de l'étudiant qui y entrera aura un impact grandissant avec les changements que nous sommes en train de laisser passer.

    Contre la grève, contre la hausse des frais. Les solutions sont ailleurs...

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  2. Contre la hausse, bien sûr, on voit bien que les compressions budgétaires mondialement généralisés n'ont que pour but d'augmenter la division riche -pauvre. Compressions qui ne se font jamais dans la sécurité (lire oppression)jets sans appels, prisons avec un taux de criminalité toujours baissant... mais on coupe l'éducation, les retraites et on privatise... cela a un nom: le fascisme.

    Laisse les étudiants protester, ce sont les seuls à le faire, mais s'ils voulaient vraiment gagner ils n'ont qu'à boycotter une session, et là il y aura engorgement, et là les universités n'auront pas le choix de tous les passer ou vivre avec un fouillis de trop d'étudiants pour les prochaines années.

    Mais au fond le système d'éducation n'est qu'un outil à formater des individus pour leur emploi... le savoir n'y est plus depuis longtemps.

    http://youtu.be/hkPvSCq5ZXk

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  3. Pour la grève, parce que je ne connais pas d'autres moyens pacifiques de faire pression sur le gouvernement.

    Contre la hausse. Tout le monde est concerné et devrait marcher dans la rue aux côtés des étudiants.

    Contre la médiocrité. Est-ce qu'on peut être pour? J'imagine que lorsque c'est le cas, on ne s'en vante pas.

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  4. Depuis 15 ans, les frais de scolarité sont gelés. Cela signifie que les frais ont baissé depuis 15 ans puisque l'inflation a fait son chemin!

    Vous penchez du côté du peuple? Alors, pourquoi voulez-vous faire payer aux travailleurs (majoritairement non universitaire) une part de plus en plus importante des hautes études profitant à ceux qui auront un niveau de vie plus élevé qu'eux (statistiques à l'appui)?

    Comme c'est souvent le cas, les propos relatifs à l'égalité ou la justice sonnent faux vu de cet angle.

    De plus, on m'apprend que le niveau de diplomation est plus faible ici alors que les frais de scolarité sont de loin les plus bas!
    C'est ce qu'engendre la gratuité. Dans le buffet on se sert à satiété, même quand on a pas fain. En commandant à la carte, on fait gaffe!

    Je ne veux pas juger les profs ou les étudiants. Se serait peine perdue, cet exercice est inutile, trop subjectif. Je crois que la majorité des étudiants et des profs sont de bonne volonté.

    Chose certaine, l'instruction c'est précieux, cela a une grande valeur, ce n'est pas gratuit. Il faut bosser, faire suer les neuronnes pour réussir. Les moins nantis rencontreront toujours plus de difficultés et par respect pour eux, ne sous-finançons pas nos grandes institutions, faisons la part des choses, dans une mesure intelligente, les étudiants actifs doivent participer au financement.

    Après les hausse prévues, l'étudiant paiera 16,5% des frais scolaires (c'est ce que j'ai lu). C'est raisonnable. cessons d'avoir ce regard condescendant sur le peuple en considérant les gens comme de pauvres victimes incappables de réfléchir et de décider pour eux. Je bosse avec le peuple et il réclâme un partage sensé des frais.

    Augmentation ou pas, il faut au moins indexer les frais au coût de la vie pour que l'injustice vis-à-vis ceux qui ne frépuentent pas l'unniversité cesse.

    le problèeme c'est que nos universités sont déjà pauvres, je comprends qu'en plus, il faut ajuster la chose. Échelonnée sur quelques années, à mon sens c'est une bonne mesure. Les frais d'études resteront les moins chers en Amérique du Nord, au même endroit où, pour une "justice sociale", le travailleur est le plus imposé, le plus taxé et le plus endetté!

    Considérant tout cela, plusieurs étudiants réclâment la gratuité totale! Ouf! N'y voyez-vous pas un non sens?

    Grand-Langue
    Sale capitaliste individualiste (rire)


    N.B.

    Des études en musique ça coute cher, plus qu'en comptabilité, en mathématique ou en droit.

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    1. L'injustice vis-à-vis ceux qui ne vont pas à l'université? Il ne sera que plus grand car moins de gens pourront y accéder. Est-ce que t'as déjà entendu un piéton se plaindre de payer des taxes pour les routes même s'il n'a pas d'auto ou quelqu'un en santé de payer pour les malades? Explique-moi comment un étudiant qui gagne 14000$/an (et je suis positif) pourra encaisser une augmentation de 1800$... on parle d'augmentation... donc la tranche consacrée aux études devient encore plus grande et celle de la subsistance plus mince.

      Ensuite l'accessibilité aux études ne victimise personne, je ne comprends pas ta position. C'est un choix social qui met l'ensemble des citoyens sur un pied d'égalité. On veut responsabiliser ceux qui changent continuellement d'orientation ou qui abandonnent les études, on pourrait réfléchir à une forme de pénalité à l'impôt ou d'autres solutions pour réduire ces comportements qui n'ont rien à voir avec l'accessibilité. Il n'y a rien de condescendent à souhaiter garder les études accessibles à tous. Les universités ne sont pas vraiment pauvres lorsqu'elles peuvent payer leurs recteurs 300000$ à 500000$... à d'autres!
      My 2 cents.

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  5. À écouter aussi...

    https://www.facebook.com/photo.php?v=10150805830003012

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  6. J'aime ceci dans le commentaire de Daniel "Prendre les moyens de trouver les solutions c'est un effort exigeant et on y travaille peu, alors ça stagne." et aussi "J'ai terminé mon BAC et en comparant au niveau des élèves de mon DEC, force est d'admettre que le niveau était meilleur au DEC. C'est une anecdote personnelle, mais comment cela se peut-il? Remplissage de classe?! je le pense."

    Par ailleurs, un pharmacien travaille souvent dans une pharmacie pour moins de 100 000$ par année, comme employé. Pas simple toutes ces questions.

    Une chose est sûre, être un enfant né dans une famille aisée ou une famille de classe moyenne unie est préférable à toutes les autrtes situations pour nos jeunes.

    Mo

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  7. selon le site carrière en santé... le salaire moyen d'un pharmacien est de 100000$/an.
    http://www.carrieresensante.info/pharmacien.php

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