lundi 27 février 2012

Ishmael: ce petit livre qui pourrait sauver l'humanité


QUINN, Daniel. Ishmael An Adventure of the mind and spirit. New York, Batam Books, 1992, 268 p.

On accuse souvent le capitalisme occidental d'être la cause de tous les maux de la planète. Et pourtant, selon l'auteur Daniel Quinn, l'homme a probablement commencé à faire fausse route il y a 10 000 ans.

En moins de 300 pages, le roman Ishmael a bouleversé ma perception même de l'existence. Je ne saurais trop vous recommander ce petit livre qui pourrait, ni plus ni moins, sauver l'humanité!

Sous la forme d'un dialogue entre un tuteur et son pupille, Quinn nous démontre l'idéologie dramatique qui s'est imposée à l'humanité presque entière il y a 10 000 ans avec l'invention de l'agriculture. L'idéologie ancrée dans la majorité d'entre nous et qui nous conduit droit à notre perte. À partir de là, selon l'auteur, l'humanité s'est divisée en deux: les Takers et les Leavers.

Les Takers
"Are you certain that any species that, as a matter of policy, exempt itself from the law of limited competition will end by destroying the community to support its own expansion?" (QUINN, p.143)

Avant l'invention de l'agriculture, l'homme a évolué comme n'importe quel animal. Il n'était ni plus ni moins qu'une branche avancée de l'évolution, résultat d'une longue série d'adaptation réussies à son environnement. Une branche avancée de l'évolution, mais toujours soumise aux éléments, soumise à la nature et vivant avec elle, grâce à elle et aussi pour elle.

À partir du moment où elle parvint à dominer la nature, la majorité de l'humanité en vint à la conclusion que l'évolution s'arrêtait avec l'homme. Selon la culture des Takers, l'homme est l'aboutissement ultime de l'évolution. L'homme est au dessus de la nature et au dessus des dieux. L'homme est parfait, il sait discerner le bon du mauvais et le vrai du faux. Dès lors, le reste du monde n'existe que pour servir les Takers. Et tous  les hommes, puisqu'ils sont eux aussi l'aboutissement ultime de l'évolution, sont appelés à être convertis à l'idéologie des Takers. Peu importe leurs croyances initiales. Les Takers ne se contentent pas de vivre dans l'espace qui leur est imparti, ils éliminent la compétition pour la nourriture et la compétition idéologique. 

Le tuteur démontre à son élève que si les hyènes de la savane éliminaient tous les lions sous simple prétexte qu'ils leurs volent leurs proies, si elles éliminaient systématiquement les herbivores qui consomment l'herbe de leurs proies et si elles éradiquaient toutes les plantes qui ne servent pas de pâture à leurs proies, elles deviendraient bientôt le seul prédateur sur terre et les seuls organismes qui survivraient seraient ceux qui servent à le nourrir. Voilà où mène la mentalité Takers appliquée à n'importe quelle espèce. À ce compte, si l'australopithèque ou l'homo erectus avait eu cette mentalité, l'homme moderne n'aurait probablement jamais vu le jour.

Les Leavers
"The premise of the Takers story is the world belongs to man. (...) The premise of the Leavers story is man belongs to the world." (QUINN, p.239)

Les Leavers sont des cueilleurs-chasseurs ou des agriculteurs qui ont choisi de vivre selon un mode de vie qui leur convient sans jamais se percevoir comme étant l'aboutissement ultime de l'évolution. Des lors, ils acceptent de vivre dans les limites imposées par la nature et ne prétendent pas détenir la vérité. Ils acceptent même de restreindre leur propre capacité de croître pour ne pas empiéter sur la diversité et s'intégrer au monde.

Les conséquences des deux modes de vie
"In a billion years, wathever is around then, who-ever is around then, says, 'Man? Oh yes, man! What a wonderfull creature he was! It was within his grasp to destroy the entire world and to trample all our futures into the dust- but he saw the light before it was to late and he pulled back. He pulled back and gave the rest of us a chance. He showed us all how it had to be done if the world was to go on being a garden forever. Man was the role model for us all!'" (QUINN, p.242)

En bout de ligne, les Takers comme les Leavers se dirigent vers une destinée en lien avec leur propre perception du monde.

Avec une masse critique de Takers, l'homme devient réellement la finalité de l'évolution. Tout n'existe que pour le nourrir et il croîtra jusqu'aux limites de l'univers. Rien de mieux avant lui. Rien de mieux à part lui. Et après lui: plus rien.

Avec une masse critique de Leavers, l'homme accepte qu'il fait partie d'un tout plus grand que lui et accepte qu'il doit se restreindre s'il souhaite que la vie se poursuive après lui. Comme première créature terrestre à maîtriser la nature, il a l'opportunité de permettre à l'évolution toute entière de se poursuivre plutôt que de s'éteindre avec lui.

Agir en Leaver (au-delà du roman)
"It isn't the tale that you tell that counts, it's the way you actually live" (QUINN, p.147)

À partir des conclusions tirées par l'auteur (et peut-être qu'il sous entend tout ça implicitement), je dirais qu'on a tendance à agir en Takers à l'échelle individuelle. Peu importe ce qu'on en dit, on se considère comme la finalité de l'évolution. On s'imagine détenir la vérité. On croit que tout le monde devrait adopter notre manière de penser. On est prêt à négliger les autres pour mieux vivre. On refuse de se restreindre.

Agir en Leavers améliorerait nos relations. En acceptant que l'on n'est pas parfait, on accepterait de faire partie d'un tout, on ne se croirait pas supérieur aux autres et on ne prétendrait pas détenir la seule bonne manière de penser. En acceptant notre imperfection, on se remettrait plus facilement en question et on pourrait évoluer plus facilement. On laisserait les autres croître dans la différence en sachant que nos propres choix de vie seront respectés.

Agir en Leavers modérerait notre consommation. Les Takers refusent de se priver de choses importantes pour eux. Les gens qui recyclent jugent qu'ils méritent d'avoir deux voitures. Les gens qui n'ont qu'une voiture méritent de manger de la viande sept jours sur sept. Les végétariens méritent d'aller en voyage en avion trois fois par ans. Et les gens qui ne voyagent pas méritent de ne pas recycler. Agir en Leavers nous aiderait à restreindre notre croissance sans toujours nous justifier.

À un moment dans le roman, l'auteur illustre combien il est difficile d'aller à contre courant en comparant le chemin du Leaver à celui d'une bête qui tenterait d'aller à contre courant au milieu d'un énorme troupeau en course dans une même direction. 

Personnellement, je ne peux plus vivre en ne faisant rien sous prétexte que d'autres ne font rien, pas assez, ou que ça ne sert à rien. J'ai commencé à bouger. J'ai fait de grands pas sur certains points, de petits pas sur d'autres. Je veux pouvoir me regarder moi-même et me dire que les fables que je raconte sont en lien avec ma pensée et avec ma manière de vivre.

Les heures que j'ai passées à lire ce livre plutôt qu'à regarder la télé; le temps que j'ai pris pour extraire et partager les éléments essentiels de ma lecture plutôt que de jouer à l'ordinateur; l'invitation que je vous lance à le lire; c'est le geste que je pose aujourd'hui pour appartenir au monde, c'est ma fable de la journée...

vendredi 24 février 2012

frais de scolarité, grève et médiocrité à l'université [contre]

Je ne connais pas les chiffres. Que ceux que ça embête fassent demi-tour, mon discours se fondera sur des intuitions, des bribes de savoir et des tendances idéologiques subjectives.

Tout ça pour apporter des réponses partielles et un paquet de questions.

Contre la hausse des frais de scolarité
Mes parents étaient communistes. À toute question sociale, même quand ma raison se met en branle, je penche instinctivement vers le peuple...

Comment les pauvres arrêtent-ils un jour de l'être dans un système qui ne leur laisse qu'un accès partiel au savoir? Où le peuple acquiert-il son pouvoir s'il n'a pas accès aux hautes sphères d'éducation?

J'ai lu des articles qui prouvent que, même après la hausse, notre éducation demeurera somme toute accessible et que même les moins nantis seront toujours en mesure d'aller à l'université. Les preuves sont là. Et pourtant je ne change pas d'avis: contre la hausse des frais de scolarité.

Les moins nantis seront toujours en mesure d'aller à l'université, d'accord. Mais ils travailleront tout en étudiant alors que les plus riches n'auront qu'à se concentrer sur leurs études. À capacités égales, les pauvres partiront avec un simple mais sérieux handicap de temps... et un stress immanquablement plus grand. Ils devront atteindre les mêmes objectifs que les autres, dans des conditions beaucoup moins favorables.

Et qu'on ne me sorte pas l'argument: "la vie est injuste, c'est comme ça". Je suis tout-à-fait d'accord que la vie est injuste, mais si elle l'est autant, c'est parce que trop peu de gens s'attardent réellement à la rendre plus juste! Merde.

D'ailleurs, si les frais de scolarité étaient mesurés en proportion des coûts réels et des opportunités salariales et si on instaurait mode de paiement rétroactif (non pas une dette conventionnelle, mais un genre de surplus d'impôt lié aux coûts des études) en fonction de l'emploi que l'on décroche, j'aurais déjà moins d'objection à les augmenter.

Si un étudiant accepté en médecine peut obtenir auprès de n'importe quelle banque une marge de crédit de 100 000$; si former un médecin coûte cent fois plus cher que de former un bibliothécaire, un musicien ou un anthropologue; si le premier est certain d'avoir un emploi à en terminant ses études et que les autres galèrent pour trouver un poste (quand ils en trouvent un); si un DEP assure un salaire beaucoup plus élevé que bien des BAC; si on juge que le savoir des artistes, des philosophes, des théologiens et de tous les universitaires a une valeur sociale; et si, enfin, la société québécoise continue d'affirmer qu'elle valorise l'éducation... je crois qu'il faut revoir tout le système de prêts, de bourses et de frais de scolarité!

En attendant, je suis contre la hausse.

Contre la grève
J'ai lu deux articles intéressants propos de la "grève". Jean-Benoît Nadeau et Cynthia Ann Sheehan et Caroline Housieaux nous expliquent pourquoi, en tant qu'étudiants universitaires, il nous est étymologiquement impossible de prendre faire un "grève": la définition même du mot ne cadre pas avec notre statut. Mais surtout, ils nous expliquent comment la "grève" nous nuit plus qu'elle nous sert.

À la lueur de ces deux articles, je ne crois pas voter pour la grève. Est-ce que ça se tient?

Tenez-moi quand même au courant des manifestations.

Contre la médiocrité à l'université
Depuis mon retour aux études, je suis affreusement déçu de la tendance à la médiocrité.

Plusieurs profs sont médiocres. Ils sont engagés parce qu'ils connaissent la matière, mais ne sont pas en mesure de l'enseigner adéquatement. Ils sont soit ennuyeux à mourir, soit pris dans des problèmes incompréhensibles de jeux de pouvoir avec les étudiants, soit peureux d'être trop sévères, soit... J'ai vu une prof refuser de réviser la note d'un étudiant alors qu'elle s'était trompée dans l'addition des points d'un examen (25+25+25=70%), j'ai vu un prof terminer son cours une heure d'avance deux semaines consécutives en disant "Eh ben, je pensais que ça prendrait plus de temps que ça...", j'ai vu un très bon prof nous dire qu'il n'osait pas augmenter la difficulté des cours par craintes de représailles de la part des étudiants et de l'administration.

Plusieurs étudiants sont médiocres. Ils ne veulent pas apprendre, ils veulent un papier. Ils ne sont pas près à passer du temps à travailler, mais ils peuvent en prendre beaucoup pour négocier les exigences et les devoirs à  la baisse et les notes à la hausse. Ils n'ont pas les capacités suffisantes pour y être, mais on les a laissé passer au primaire, au secondaire, au cégep et ils ne comprennent pas pourquoi on ne veut pas les laisser passer à l'université. Le pire, c'est qu'ils sont assez nombreux et ont assez de pouvoir qu'ils finissent généralement par obtenir ce qu'ils veulent. À la fin, on se demande pourquoi les diplômes n'ont plus de valeur et pourquoi les ponts nous tombent sur la tête.

Heureusement, pour contrebalancer, j'ai eu aussi d'excellents profs et j'ai côtoyé d'excellents élèves. Mais ils font figure d'exception.

Comme élèves et comme profs, on a intérêt à se responsabiliser et vite. Sinon, on arguera qu'une hausse des frais de scolarité est le seul moyen de départager les bons élèves des mauvais. Et on paiera cher les profs médiocres pour enseigner aux élèves médiocres qui auront toujours les moyens d'être assis dans les universités pendant qu'une grande partie de ceux qui méritent d'y être galéreront plus encore pour obtenir des diplômes d'une valeur toujours aussi douteuse.

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Ce petit ajout vient après quelques semaines de réflexion et plusieurs lectures...

J'ai fini par voté pour la grève et j'ai participé aux manifestations. Je laisse mon texte tel qu'il était pour partager le fait que je crois en cette fameuse réflexion et que je trouve important de se donner le droit de changer d'idée, de se repositionner régulièrement face à nos valeurs pour faire de notre vie un tout de plus en plus cohérent et, si possible, un exemple à suivre.

mercredi 15 février 2012

la manipulation à saveur de nobles intentions

C'est tellement bon les oranges!

Supposons un instant que la science ait déniché un moyen pour que n'importe quel aliment soit identique à une orange: le look, la couleur, la pelure, l'odeur, le goût, tout d'une orange... mais avec les propriétés de l'aliment de départ.

Supposons maintenant que j'aie constaté que certaines personnes qui mangent des oranges n'achètent pas de chips, parce que "c'est mauvais pour la santé les chips". Je fabrique donc des chips qui ont l'air des oranges et je fous ça dans le rayon des fruits. Quelle opinion auriez-vous? Vous vous exclameriez sans doute: "Diantre! Quelle fourberie!" Et vous m'obligeriez à apposer sur mon produit une étiquette: Chips à saveur d'orange, attention ne contient aucune orange!

Par contre, supposons plutôt que j'aie constaté que certaines personnes qui n'aiment pas le brocoli aiment les oranges. C'est bon pour la santé du brocoli ; j'aimerais que tout le monde bénéficie de ses vertus! Mais est-ce que le cas du Brocoli à saveur d'orange est plus noble que le cas des chips?

"Fichtre! Que nenni!"

Dans la vraie vie, je me retrouve de temps à autre dans la position du vendeur de Brocoli à saveur d'orange. Sous prétexte qu'une chose est bonne pour quelqu'un et que je veux son bien, je la lui emballe joliment et j'essaie de la lui faire avaler. C'est ce que j'appelle La manipulation à saveur de nobles intentions. Je ne veux plus faire ça.

Ceci dit, retournons à notre métaphore alimentaire...

Supposons un dernier cas, extrême, où une personne qui déteste le brocoli doive en manger sous prétexte de mourir d'une quelconque maladie dégénérative.

Que faire dans ce cas là? Bien ou mal de lui offrir du  Brocoli à saveur d'orange? Y a-t-il des moments dans la vie où il est justifié de tenter d'influencer quelqu'un si nos intentions visent son bien être?

Plus je développe ma conscience, plus La manipulation à saveur de nobles intentions devient pour moi un sujet complexe. Je crois que la clé pour poser un vrai geste noble se pose en 3 questions:

1- Est-ce que je tiens compte en priorité des intérêts de la personne ou des miens? (Elle a intérêt à manger du brocoli; je veux écouler mon stock de vieux brocolis. Elle mourra si elle ne mange pas de brocoli; je ne veux pas qu'elle meure.) Dès que je place mes intérêts en premier, aussi importants qu'ils me paraissent, je ne peux pas poser un vrai geste noble, inutile de passer à la question suivante.

2- Est-ce que je distingue les désirs de la personne des miens? (Est-ce qu'elle veut manger du brocoli ou c'est moi qui veut qu'elle en mange? Est-ce qu'elle veut vivre ou c'est moi qui veut qu'elle vive?) Si je suis incapable de les distinguer ou si je sers purement mes désirs, inutile de passer à la question suivante.

3- Est-ce que j'ai une raison ultra-valable pour passer par-dessus ses désirs pour servir ses intérêts? (Ma fille ne réalise pas vraiment que son dédain du brocoli peut causer sa perte.) Si j'ai mûri la question et que j'obtiens un oui sûr, je crois que j'ai la chance de poser un geste noble.

Je profite de cette réflexion pour offrir mes excuses sincères à toutes les personnes à qui j'ai déjà essayé de vendre du Brocoli à saveur d'orange sans passer par le petit processus que je viens de décrire.

J'invite aussi les gens à se poser plus souvent les trois questions. C'est une chose de vouloir le bien des autres, mais pas contre leur gré, et pas pour servir nos propres intérêts.

Je remercie finalement toutes les personnes qui m'ont déjà fait manger du Brocoli à saveur d'orange en mettant de côté leurs propres intérêts ou leurs propres désirs. Il en faut des comme vous...


dimanche 12 février 2012

aimer sa mère en public

Dans ma vie, j'ai fait une grande et longue gaffe.

J'ai fait l'erreur de croire que ma mère était comme toutes les autres, et que toutes les mères étaient comme la mienne.

Ma mère est ma fan #1. Elle m'aime beaucoup. Elle m'aime inconditionnellement. Et jusqu'à tout récemment, il m'arrivait encore de dire qu'elle m'aime trop.

Ah! L'amour d'une mère pour un garçon... Cette manière qu'elle a de parler des réalisations de ses fils. Cette fierté sans pudeur. Cet amour sans modestie qui exige pour sa progéniture que la vie offre le meilleur d'elle-même. Cet amour exubérant qui souhaite à ses petits de recevoir leur juste part en toutes choses et celle du lion dans cet idéal qu'on appelle le bonheur. Maman, maman, ne m'aime pas si fort. Pas comme ça. Pas devant tout le monde.

J'ai dit ça moi? J'ai été stupide.

J'entends déjà ma mère m'interdire de dire ça de moi-même et je réalise d'autant plus l'étendue de ma bévue. Il aura fallu que je constate que toutes les mères n'aiment pas de cette façon, que toutes les mères n'aiment pas autant, que toutes les mères n'aiment pas, point, pour réaliser ma chance.

Ma mère n'est pas parfaite. Elle ne s'est pas toujours bien fait comprendre. Devant son amour débordant mêlé de craintes, je me suis cru obligé d'atteindre quelques succès inaccessibles, je ne me suis pas senti à la hauteur, je me suis senti indigne même... et ça me fut plus facile de dire qu'elle m'aimait trop que de soutenir l'intensité de la charge.

Stupide je dis. Là où d'autres mères se sont montrées même incapable d'amour, la mienne m'a fait cadeau d'un amour inconditionnel.

Je réalise enfin. L'amour inconditionnel de ma mère, c'est mon droit de faire les plus grandes erreurs du monde et d'être toujours aimé par quelqu'un. C'est mon droit d'aspirer à tout, même à la plus grande félicité en sachant que je la mérite, que quelqu'un me la souhaite. C'est mon droit de voler de mes propres ailes, près ou loin de cet amour, en sachant qu'il ne faiblira pas. Jamais.

Inutile de vous dire que j'ai le coeur gros en pensant à ce dont je me suis privé, en pensant à ce que plein d'autres n'ont pas même la chance d'avoir. Mais la vie est trop courte pour les longs regrets. Mieux vaut faire mon mea culpa maintenant et commencer à profiter, commencer à redonner.

Ah! L'amour d'une mère pour un garçon... Cette manière qu'elle a de parler des réalisations de ses fils. Cette fierté sans pudeur. Cet amour sans modestie qui exige pour sa progéniture que la vie offre le meilleur d'elle-même. Cet amour exubérant qui souhaite à ses petits de recevoir leur juste part en toutes choses et celle du lion dans cet idéal qu'on appelle le bonheur. Merci maman, merci pour tout.

Pour le temps perdu, je comprends maintenant le sens de ton amour. Pour le présent, je ne serai plus jamais gêné d'être aimé à ce point: aime moi comme tu veux et devant tout le monde. À partir de maintenant et pour l'avenir, je me jure de t'aimer au moins autant, en public même. Taste your own medecine! Et je d'interdis de te sentir indigne! Cet amour là n'est pas moins inconditionnel que le tien!

À ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir une mère comme la mienne, accordez vous le temps et le droit de saisir l'amour quand il passe.

Aux autres. Ne soyez pas stupides. L'amour de votre mère, c'est votre meilleur exemple pour aimer le plus inconditionnellement possible, c'est votre capacité à le faire. Se refuser l'un, c'est se refuser l'autre.

Je t'aime maman.

jeudi 9 février 2012

quand la perfection est l'ennemie de l'évolution

Cette semaine, je suis retombé sur une citation attribuée à Paul Valéry qui va comme suit: "Un poème n'est jamais fini, seulement abandonné." Je ne connais Paul Valéry que de nom. À peine. Mais le gars a compris quelque chose d'important.

Le premier fossile de requin date d'environ 450 millions d'années, trois fois plus vieux que le plus vieux dinosaure! Parfaitement adapté à son environnement, le requin "tel qu'on le connait" fêtera cette année son 181 millionième anniversaire... encore surprenant qu'il ait encore des dents dans la gueule.

Le lien entre le requin et Paul Valéry? Ces derniers temps, je commence tout juste à comprendre qu'à partir d'un certain niveau d'obsession, la perfection devient l'ennemie de l'évolution.

Les gens hautement productifs n'essaient pas de faire des choses parfaites. Ils font de leur mieux. Ils font beaucoup et ils peaufinent leur génie en chemin. Ils font attention aux détails, mais reconnaissent le point où la quantité d'énergie déployée devient beaucoup plus considérable que le degré d'amélioration qu'elle confère au projet. Les gens hautement productifs se soucient d'une qualité globale et parviennent à des chefs-d'oeuvres un peu sur le tas... Je ne dis pas ça négativement, de mon nouveau point de vue, c'est l'exemple à suivre!

Qui veut être un vieux requin tout parfait tout gris? Ça lui a quand même pris 269 millions d'année avant d'arriver où il est. Et pourquoi? Pour être la bibitte la plus effrayante de tous les océans. Pendant 181 millions d'années supplémentaires.

Toutefois, en noir et blanc, l'autre choix est de "botcher" la job. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne peux pas. Incapable. Heureusement, la palette est plus nuancée que ça.

Ce que je retiens de la citation de Paul Valéry, c'est que pour les perfectionnistes, le lâcher prise a un petit arrière-goût d'abandon. Il faudra apprendre à vivre avec. Ça me va. J'ai intérêt à me poser plus souvent la question pour savoir où je choisis de faire de l'overtime. L'énergie économisée en arrêtant de me perdre dans les détails me donnera l'occasion de faire plus, dans plus de domaines et, éventuellement, de faire mieux.

Et si on s'attarde au point de départ de ce souci de perfection, on constatera qu'il est beaucoup plus souvent qu'autrement motivé par un désir absurde de ne pas être imparfait (à nos propres yeux, aux yeux des autres) que par le seul souci de bien faire les choses. Cette inaccessible perfection se tient régulièrement dans le chemin de la saine et modeste réussite.

Je choisis de ne pas m'apitoyer sur le temps que j'ai passé à être trop perfectionniste. Avec une once de lâcher prise, je peux m'attaquer à de nouveaux projets intéressants ou décupler ma production et j'ai acquis deux outils fort utiles: le réel désir et la réelle patience de bien faire les choses.

mardi 7 février 2012

le fils de Darth Vader : petite recette pour devenir un jedi

- Luke, je suis ton père!
- Noooooon!!

Luke Skywalker croyait que son père n'était qu'un chevalier du bien. Un des meilleurs Jedis de la galaxie.

À la suite de la débâcle de l'armée rebelle, Luke s'écrase sur une planète reclue qu'à peu près personne connait. Son vaisseau est beeeen creux dans la vase et il est découragé. Heureusement, il est là grâce à un vieil ami déjà rendu Jedi qui l'a envoyé sur place pour faire connaissance avec son mentor, Yoda : un sage à l'allure sympathique et rabougrie qui vit dans une cabane qui a l'air de rien. Un sage trop hot... tellement hot qu'il se fout éperdument d'être hot. Le sage entraîne Luke. Il le protège des dangers et lui en crée des faux juste "pour le fun".

Un jour, Luke échoue pitoyablement le test de la grotte: il voit sa propre face dans le casque de Darth Vader. Il se met à avoir la prémonition que la princesse et ses amis sont en danger. Son vaisseau à peine sorti de la vase et avec l'impression d'avoir suffisamment compris La Force, il décide d'aller les secourir. Yoda désapprouve affirmant que son entraînement n'est pas terminé. Toutefois, Luke a une tête de pioche et il y va pareil.

Rendu là, son père lui révèle son côté obscur en lui disant:"Regarde en toi mon pit, tu le sais ben qu'on est pareils dans le fond". Mais il ne le prend pas notre Luke. Il dit: "Non! Je serai jamais comme toi!".

Comme un tapon, il a décidé d'affronter ça avant d'être prêt... sacré Luke! Mais, il s'est faite tchoppé la main et il a failli y laisser sa peau. Entre nous, y a un peu couru après le trouble.

Puis, Luke retourne s'entraîner auprès de Yoda (il l'avait promis, c'est un bon gars notre Luke dans le fond). Après lui avoir montré une couple de tricks pas piqués des vers, le vieux sage lui annonce qu'il est le frère jumeau de Leïa, que son entraînement est terminé et qu'il est prêt à retourner affronter son père. Puis, pouf! Yoda disparaît.

Avec sa nouvelle compréhension de La Force, Luke se pointe dans la tanière des méchants. Là, l'empereur Palpatine, le démon qui a corrompu son père, essaie de le corrompre à son tour. Mais Luke dit à son démon: "Je m'en câlisse de toi, j'ai même plus besoin de me battre!" Luke est rendu (ou il s'imagine qu'il est rendu) un vrai Jedi!

Le film pourrait peut-être finir là... je sais pas, j'ai pas encore 100% compris la fin. Quelque part, j'espère qu'il y a des alternate endings en circulation quelque part.

Toujours est-il que Luke se fait crisser une dernière solide rince par son démon et celui de son père. Avec des pouvoirs électriques super douloureux. Luke, c'est quand même pas une chiffe molle, pis y pleure pareil! Finalement, Darth Vader réalise que son démon lui appartient aussi et que c'est maintenant lui qui doit vaincre Palpatine. Il le lève à boutte de bras et le sacre dans le trou. Mais le vieux Darth Vader était déjà pas mal amoché par le côté obscur et il mourra peu de temps après être revenu du bon bord de la force. Heureusement, les gentils continuent de vivre dans le coeur de Luke. Et là, aucun doute, Luke est rendu un vrai Jedi.

C'est long et ça fait mal devenir un vrai Jedi, parce qu'on est tous le fils ou la fille de Darth Vader.

samedi 4 février 2012

j'aurais voulu être, un artiiiiiiiiiiichste


Vidangeur : personne qui ramasse les vidanges
Cuisinier : personne qui fait la cuisine
Serveur : personne qui s'occupe du service
Ingénieur : personne spécialisée en ingénérie
Artiste : personne qui fait de l'art
...

Hier, j'ai assisté à un souper de filles. Eh boy!

J'ai un ami qui rêvait de participer aux soupers de filles de ses amies. Pour sa fête, elles ont réalisé son souhait. L'affaire c'est qu'elles ont aussi invité les garçons... déguisés en filles. Quand il est arrivé, elles l'ont déguisé également. Il a eu le droit à la totale. Et nous aussi par la bande. Mascara, fond de teint, rouge à lèvre, ombre à paupières, parfum, masque de beauté, manucure (ça messieurs, ça vaut la peine!), crèmes, crèmes et re-crèmes, pour la face, les mains, les bras, les pieds, discussion à propos de la perception que la femme a d'elle-même et des autres femmes, lecture de magazines de filles, table ronde de réponses aux questions des magazines de filles, etc. La totale.

À un moment de la soirée, on jase entre filles et on arrive (sans faire exprès) à La-discussion-à-propos-des-artistes. Ceux qui côtoie de près ou de loin des artistes savent à quel point La-discussion-à-propos-des-artistes est une entité bien concrète. Il faut l'écrire de même, c'est un peu gossant, mais c'est ça (je ne l'écrirai pas une troisième fois en trois phrases, mais vous pouvez la rajouter dans votre tête). C'est un genre de variation sur un même thème, super intéressante la première fois, dont on apprend à se méfier au fil du temps et qu'on finit par redouter comme une mouffette avec la queue dans les airs. Eh bien, CONTRE TOUTE ATTENTE, celle-là été non seulement fort rafraîchissante, mais également : instructive. Noooooon? Ben oui. TRÈS.

Ceux qui me connaissent savent combien je me méfie des « artistes » (entre guillemets, mieux vaut le contenir ce mot-là, sinon il pourrait se lâcher lousse et me scrapper mon texte). Je me méfie des « artistes » comme on se méfie d'un bonhomme louche qui déambule dans un parc avec les jambes nues comme s'il faisait chaud et un manteau long comme s'il faisait froid. Pour le dire simplement, il n'est peut-être pas condamné d'avance, mais il n'a pas vraiment de marge de manoeuvre. À l'instar de mon vieux pervers, les gens qui s'autoproclament « artistes » on souvent tendance à nous déballer des choses qu'on n'a pas nécessairement envie de voir, ou le cas échéant, d'entendre. Les Artiiischstes ont une fâcheuse tendance au pétagedebroutisme, au namedroppingisme et à une couple d'autres néologismes tellement laittes que j'ai même pas envie de les inventer. Les Artiiischtes prononcent leur titre comme si ça les élevait au dessus du vidangeur, du cuisinier, du serveur et même (sacrilège!), de l'ingénieur (ne pas confondre avec les gningnégnieurs qui eux, sont les artiiiichstes de leur profession).

Affublé d'un chapeau de Fraisinette et d'une brassière rouge à 100$, complètement inconscient de mon léger préjugé, le fêté — lui-même musicien — nous parle de sa vision de l'artiste. Son discours tient à peu de chose :
« Artiste, c'est juste une catégorie de monde. Un vidangeur, c'est une personne qui ramasse les vidanges. Un artiste, c'est une personne qui fait de l'art. Plusieurs artistes se prennent trop au sérieux, mais il y a différents types d'artistes, avec différents tempéraments... comme il y a plusieurs types de vidangeurs, d'infirmières ou de serveurs. »

Pouf. Fuiiiiiiiiiiiiiiiiiii. Ça, c'était le son de ma balloune qui pète et qui se dégonfle. Une bonne chose. Il a raison le fêté. Artiste, c'est juste un mot. Certains se le sont approprié pour en faire quelque chose qui ne me plait pas et sont devenus les principaux représentant de la race, ou du moins, les plus voyants. Je peux prendre le mot et faire ce que je veux avec. Artiste, c'est une personne qui fait de l'art. Je suis une personne qui fait de l'art. J'ai passé les quinze dernières années de ma vie à jouer de la musique, composer, écrire, créer. Pendant 15 ans, je me suis donné, j'ai choisi de me donner le maximum de temps pour faire ça, en vivant d'ultra-simplicité ultra-volontaire et de pauvreté pas nécessairement nécessaire, en me faisant donner des meubles, de la vaisselle, du linge, des lifts par mes généreux amis (merci groupe), en jouant dans le métro, en refusant la majorité des compromis. Pourquoi? Pour consacrer ma vie à créer. Parce que je l'ai dans le sang. Parce que ça m'appelle pour vrai. Le blues du business man (arche!), ça ne m'arrivera jamais, même pas inquiet. Je suis à l'abris de ça pour toujours. Garanti. 100% bluesdubusinessman-proof. Je deviendrais serveur, banquier ou rédacteur publicitaire et je serais pas moins artiste. Une personne qui fait de l'art.

Mais mes découvertes de la soirée ne s'arrêtent pas là! Ma grande culpabilité au sujet d'être un artiste vient, ou plutôt venait, du fait qu'on ne produit pas quelque chose d'essentiel. Le travail de l'artiste est superflu. Je disais dans mon dernier billet que c'est la vie qui compte avant tout et qu'il faut bâtir le château à l'endroit. Il y a des gens qui meurent de faim, partout, même dans la ruelle à côté de chez nous. Il y a des malades, de la tristesse, de la guerre, [note à moi-même : insérer ici la liste exhaustive des calamités terrestres], etc. Laissez les vidanges de la ville s'accumuler pendant 6 mois et, après avoir pilé sur un rat crevé gros comme un ours, prenez une grande bouffée d'air pour voir qui, de l'artiste ou du vidangeur, fait le travail le plus important. Voilà ce que je pensais.

Hier, j'ai raconté ça à une infirmière. Une vraie infirmière là, pas un gars avec un faux suit, une perruque et un masque de co-combre. Dans son infinie bonté, elle m'a raconté le bien que les créateurs lui procurent après une journée de travail. Elle a même dit qu'elle ne pourrait pas faire son travail si les artistes n'existaient pas.

Re-pouf. Re-fuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii. Faut bâtir le château à l'endroit, d'accord. Mais tout le monde n'a pas le même rôle dans la construction du château. Tout le monde doit participer, mais tout le monde doit faire ce qu'il a à faire. Mon rôle à moi, c'est peut-être de jouer de la musique et d'écrire des textes poignants le temps que d'autres ont les mains dans le sang et dans le caca... pauvre gars! Et si je m'y attarde pour y penser, je les imagine s'acquitter vaillamment de leur tâche pendant que je fais du chichi et une petite crise existentielle tranquille au lieu de m'occuper de ce que j'ai à faire. Si j'étais à leur place, ça fait longtemps que je serais en beau fusil en train de crier : « Tu vois ben qu'on a les mains dans marde! Ça nous fait plaisir de s'occuper de d'ça, mais chante maudit : chaaaaaaante! »... et, ma colère dissipée, j'ajouterais d'une voix plus tranquille : « By the way, tu peux écrire aussi, l'un n'empêche pas l'autre, je te rappelle qu'on a les mains dans marde. »

Comme le gars qui rentre à la job à onze et quart une journée où il y a de l'overtime à faire, je terminerai cette brillante réflexion avec ceci. Merci pour votre patience tout le monde, je pense que je vais me mettre à l'ouvrage.

L'artiste.

La fameuse conversation à propos de l'art par Daro.
[Ça date pas d'hier. La ressemblance avec moi est "purement fortuite" (hum)]

jeudi 2 février 2012

au moins autant de vies qu'un chat

Croyez-vous à la réincarnation? "Question de marde", diront ceux qui ne sont pas déjà retournés sur facebook en lisant le mot. "Question de la plus haute importance", diront quelques ésotériques. Il paraîtrait que la physique quantique est rendue à penser le monde en multivers: des milliards d'univers parallèles au nôtre avec des copies de chacun de nous qui évoluent de leur bord (wooooooah)... rendu là, c'est difficile de débattre de la question de la réincarnation. Honnêtement, c'est même pas exactement de ça dont je veux vous parler.

La réincarnation qui m'intéresse aujourd'hui n'est pas celle qui intervient après notre vie, mais celle qui survient pendant notre existence. Vous savez? La mue des serpents, les chenilles, les papillons... mais chez l'humain. Et je ne parle pas ici d'extreme make over (qui n'est que votre vieille personnalité enduite d'une sérieuse couche de vernis), mais bien d'une transformation profonde.

Je suis mort plusieurs fois depuis ma naissance. Au primaire quand un gars quatre ans plus vieux que moi et au moins autant de fois plus gros m'a tabassé pour me piquer trois (3!!) crayons. Au secondaire quand mes parents se sont séparés juste comme je projetais faire une crise d'adolescence en règle. En déménageant, en perdant des amis, en abandonnant des projets qui me tenaient à coeur, à ma première petite peine d'amour, à ma première grande peine d'amour, etc.

Je suis mort plusieurs de fois, mais je suis surtout mort, mais là vraiment mort il y a deux ans, quand toutes les lumières importantes de ma console de vie se sont éteintes les unes après les autres. Mon coeur s'est arrêté de battre en direct sur ce blog le dimanche 30 mai 2010. J'étais mort. Puis. Tranquillement. Je suis revenu vers le monde des vivants. On peut suivre tout mon déclin, mais également mon retour à la vie sur Plume de plomb. Sans trop me voir aller, mes textes sont passés du lourd au léger... et même la page (grise) a changé de couleur.

Pourquoi je raconte tout ça? Comme d'habitude, j'arriverai au point, suivez-moi encore un peu. On se relève de toutes les morts pour commencer de nouvelles vies (réincarnation, quand tu nous tiens). Mais on ne recommence pas toujours des vies meilleures (crap!). Des fois elles sont seulement semblables et d'autres fois carrément pires (boooouuuh!). Ça dépend de ce qu'on en fait, un peu. Ça dépend de la chance aussi. L'avantage d'une bonne vieille mort sur tous les plans, c'est qu'on repart à peu près à neuf.

En ce moment, je me sens neuf. Neuf comme les fois où on se dit "si je pouvais recommencer ma vie au début avec tout mon bagage, maudit que j'en profiterais!". C'est un incroyablement bon feeling, mais ça me dépasse. Et je crois qu'une découverte qui me dépasse n'appartient pas qu'à moi, il faut que je la partage. [Sans compter que j'adore essayer de mettre en mots l'inexplicable, fermez le crochet->].

Je pense aux gens qui ont touché le fond du puits sans fond. Quand on est rendu là, la voix des autres est loin, on n'espère plus d'aide, on ne sait même plus que ça existe. Ça existe! Je pense aux gens qui ont l'impression de ne pas se réaliser pleinement, de se taper toujours la tête sur le même mur ou d'écouter en boucle une chanson qu'ils détestent. On en sort! Je pense aux gens atteint de l'instinct de l'antilope blessée qui cache sa blessure aux lions pour ne pas se faire bouffer... il y a tellement moins de lions qu'on pense! C'est vrai que le monde ne tourne pas rond, mais il y a toujours (fiou) quelques mains tendues.

Au secondaire, ils faisaient venir des gens pour parler de suicide et de dépression. La majorité d'entre nous écoutait sans trop comprendre. On était curieux parce que c'était une vedette ou juste parce que la personne était fine et intéressée par les jeunes. Ça nous sortait de la tête quelques jours après parce qu'on allait bien, et c'est tant mieux! Mais aujourd'hui, avec le recul, je pense à ceux qui songeaient réellement au suicide et je suis reconnaissant envers ceux qui sont passés nous rencontrer. Aujourd'hui, je trouve ça bien dommage qu'on n'ait pas quelqu'un pour venir nous jaser de dépression et de suicide dans notre vie d'adulte...

Pourquoi je raconte tout ça? Pour partager mon impression d'avoir au moins autant de vies qu'un chat. Parce que celle qui commence sera belle. Pour nous/me rappeler que pour se réincarner dans cette vie-ci, il faut se cramponner à elle, même quand elle fout le camp en laissant derrière tout ce qui comptait pour nous. Pour apprendre à ne plus autant me cramponner au reste. Même la job de rêve, même les amis, même l'amour... ce n'est rien si la vie n'y est pas. Faut bâtir le château à l'endroit.