dimanche 20 mars 2011

la première femme que j'ai aimée

Il m'a fallu attendre, ou plutôt atteindre 34 ans avant d'aimer une femme pour la première fois.

Avant, je préférais les filles.

Ô, bien sûr, il y a ma mère que j'aime et que j'admire. Il y a ma mère, quelques enseignantes et quelques mentors, mais ce n'est pas la même chose. Il y a Francine Laramée qui, en secondaire 5, a transformé une matière ennuyeuse au possible en une chose fascinante et remis en place plusieurs morceaux d'un casse-tête jusqu'alors insoluble: la langue, ma langue, le français. Il y a Luce Beaudet, professeure à l'université de Montréal, un génie de la pédagogie, un être hors du commun, qui mériterait plusieurs prix qui n'existent probablement même pas mais que des centaines d'étudiants lui auront décernés, avec le coeur, au fil des ans ; ce qui, au bout du compte, est au moins aussi valable. Il y a Marie-Claire Séguin, LA Marie-Claire Séguin, qui exige et qui donne une présence tous les instants, qui force l'incarnation et qui ouvre l'âme en la faisant chanter. Il y a Céline Tremblay, ma rédactrice en chef, intelligente sur tous les fronts, capable, professionnelle et directe, sans perdre son humanité. Il y a celles là et quelques autres... mais ce n'est pas la même chose.

En amour, jusqu'ici, je préférais les filles. J'appréciais chez mes blondes et mes amantes leur candeur, leur fraîcheur, leur potentiel infini (mais indéfini), leur utopisme, leur volonté et leur capacité de vivre au jour le jour. Je recherchais, je chérissais et je nourrissais leurs traits propres à la jeunesse, parfois au détriment de notre maturité commune et sans m'apercevoir qu'au fil du temps, je devenais mûr pour autre chose. J'ai connu des femmes, mais je ne les ai jamais vraiment aimées dans leur plénitude d'adulte.

Depuis quelques semaines, j'en fréquente une. Une vraie belle femme dans sa plénitude d'adulte. Mature, brillante, sexy, audacieuse sans être étourdie, avec du vécu et du "encore à vivre", avec des épreuves sérieuses (et surmontées!) à son actif, qui se connait et s'apprécie assez pour se suffire et pour profiter de la présence de quelqu'un à la fois. Une qui me plait avec des boucles d'oreilles et une tenue de madame autant que dans un look de sportive ou un costume d'Halloween (bon, à choisir, je la préfère encore toute nue, on vieillit, mais boys will be boys).

Récemment, elle me demandait:
- À partir de quand tu considères que tu as une blonde?
- Je sais pas trop: maintenant?
- Ça tombe bien parce que je commence à dire "chum" au lieu de "fréquentation" à l'occasion.
- En fait, je dirais que le concept chum-blonde est en lien direct avec mon envie de ne pas aller voir ailleurs... et j'ai pas envie d'aller voir ailleurs.

Pas plus compliqué que ça. Sourires de part et d'autre.

Ensuite, j'ai fait une pseudo-déclaration d'amour qui, sans être la pire de l'histoire des déclarations d'amour, était assez piètre. Mais bon, je crois que le message s'est frayé un chemin. Je suis rendu un peu plus prudent avec les mots (Hein? Toi!? Prudent avec les mots!? Baha!). Il y a des moments où ils sont tellement imprécis. Les sentiments sont de nature complexe et changeante. Le temps de dire "il est 11h54 et 32 secondes", l'aiguille a déjà fait un pas sur le cadran.

Bref, j'en suis encore à redéfinir ma perception de l'amour, trop tôt encore pour les belles déclarations, mais si j'en avais une toute prête aujourd'hui, je la dédierais à la première femme que j'ai aimée.

vendredi 11 mars 2011

une décapitation sanglante ; une solution aux coups à la tête

Les prémices:
- Je suis devenu un vrai fan de hockey assez récemment (quelques années, pas plus). Ce que je vais dire ici, les faits comme les hypothèses, ne sera peut-être pas nouveau pour plusieurs. Je m'en excuse à l'avance mais j'espère quand même que ça vaudra la lecture.

- Mardi cette semaine, 8 mars 2011, le grand Zdeno Chara (6'9'') a servi à Max Pacioretty une mise en échec qui a amené la tête du hockeyeur à venir frapper l'endroit où commence la baie vitrée après le banc des joueurs. Bilan? D'un côté, vertèbre fracturée au milieu de la colonne vertébrale, commotion cérébrale sévère et chance inouïe de pouvoir encore bouger; pour ce qui est du hockey, on verra. De l'autre côté, 5 minutes de pénalité et inconduite de partie.

- Il paraît que le débat des coups à la tête fait rage depuis que ce sport existe (je dirais même que ça remonte à l'âge de pierre et des massues, mais comme je suis néophyte...). Et l'on se demande encore: comment en venir à bout?

...

Les prémices sont faites... et les solutions (de marde) sont nombreuses.

La ligue pourrait légiférer d'elle-même. Les joueurs (via un truc appelé l'association des joueurs) pourraient se mobiliser. Les partisans pourraient refuser d'aller aux matchs. Les commanditaires pourraient se retirer en bloc.

Est-ce que quelqu'un y croit? Levez la main! [Boule de foin roulant dans le sable du désert...] Je vais prendre ça pour un non.

Sérieusement, j'ai crû que le gars était mort! Je n'ai pas eu le coeur à écouter la fin du match. Et l'on se demande encore comment en venir à bout?

J'en suis à croire qu'une solution réelle et efficace soit qu'un joueur soit tué sur la glace, le plus rapidement possible, dans un exemple saisissant pour l'imaginaire collectif.

La situation idéale impliquerait deux superstars dans une mise en échec vicieuse, mais de routine, de celles qu'on voit à chaque match. Il y aurait aussi beaucoup de sang. Et un décès sans équivoque.

Si la tête de Pacioretty avait été arrachée pour retomber sur les joueurs au banc des Bruins.

Si seul le corps de Pacioretty avait glissé devant le banc du CH.

Si Zdeno Chara, les joueurs, les coachs, les arbitres, la foule et les téléspectateurs avaient dû fixer un corps secoué de spasmes se vider de son sang, devenir de plus en plus flasque, puis raide...

Si les médecins des deux équipes avaient dû baisser dignement leurs épaules de professionnels pour bien nous faire comprendre, tous, qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire que d'arrêter le match.

Là.

Là, on aurait vu les choses autrement. L'intention de l'agresseur, les sanctions qui s'imposent, les limites réelles de notre goût pour le jeu robuste... quel est le poids de tout ça quand il y a mort d'homme?

En vérité, même plus nécessaire de remplacer le méconnu "Max Pac" par Sidney Crosby, ni d'avoir une décapitation, tant qu'il y ait décès, flagrant et en direct.

Je n'en suis pas réellement à souhaiter que la situation se présente, mais plus j'y pense, plus je crains cette fin inéluctable. Quelqu'un a une meilleure idée? Viable?

lundi 7 mars 2011

de l'essence et de la blessure, dialogue


Mon dernier billet a été inspiré d'une phrase d'une personne sage en qui j'ai confiance et qui affirme que:
«On se séduit dans notre essence mais on se rencontre dans notre blessure».

Suite à ce billet, j'ai reçu un message d'une autre personne sage en qui j'ai confiance qui (à première vue du moins) vient contredire et nuancer non seulement mes propos, mais l'affirmation elle-même...

Je vous laisse le texte complet avant d'en reparler plus bas:

« Premièrement, je ne crois pas « l’essence des personnes ». Selon cette terminologie, chaque personne aurait un ensemble de caractéristiques relativement stables, innées ou acquises, l’histoire ne le dit pas. Mon expérience me montre que les humains sont plus changeants que cela. Je ne nie pas que certains traits de caractère puissent avoir une base biologique. Je suis aussi assez convaincu que la socialisation de la petite enfance laisse des marques profondes. Mais, à mon avis, rien n’est totalement immuable, ce que laisse croire le mot essence.

Deuxièmement, l’affirmation que tu commentes laisse croire que l’« essence » de chaque humain est fondamentalement positive. Bien que je puisse admettre que l’on séduise d’abord en présentant les caractéristiques les plus agréables de notre personne, je ne pense pas que les humains soient agréables par essence. Mon expérience me laisse croire que tous les êtres humains sont passablement ambivalents. Ils sont capables du pire et du meilleur.

Troisièmement, se rencontre-t-on dans notre blessure? Il est indéniable que tout humain a sa part de blessures. La découverte de la blessure de l’autre est effectivement un moment clef de la rencontre.

Quatrièmement, j’articulerais assez différemment, le lien entre blessures et côtés plaisants de notre personnalité à mon avis la séduction table effectivement sur nos réels aspects plaisants, mais elle repose aussi en partie sur une illusion, parfois sur un mensonge. La séduction camoufle consciemment, ou inconsciemment, la part d’ombre qui nous habite. Ombre qui découle directement de notre blessure. Je pense donc que toute séduction repose à la fois sur nos aspects positifs et sur notre blessure, telle qu’elle se présente, déformée par nos mécanismes de défense, qu’ils soient conscients ou inconscients.

Cinquièmement, avec le temps, chacun de nous voit à travers le miroir déformant de l’autre. La blessure apparaît. On peut alors adopter deux attitudes, construire une relation qui ait pour base le renforcement des mécanismes de défense, pas très intéressant. Ou, plus stimulant, source de ce que je nommerais le véritable amour. Apprendre à aimer l’autre avec ses blessures. Lorsque cela se passe, les mécanismes de défense ne sont plus aussi nécessaires dans le cadre de la relation. On peut alors briller de nos seuls traits positifs, sans dépenser une précieuse énergie de surenchère visant à camoufler les blessures. Je crois que c’est la source de la longévité d’une relation. Cela ne signifie pas que les blessures de l’autre, ou les nôtres, ne nous font pas souffrir à l’occasion, mais il y moins de véhémence dans la confrontation et plus de support mutuel pour la surmonter.
Food for thoughts... »

Il y a matière à réflexion, c'est le moins qu'on puisse dire!

Les humains sont capables du meilleurs comme du pire, ils ne sont pas agréables par essence et l'essence, par définition, est une chose immuable alors que les hommes, eux, sont changeants... j'achète (MAIS!!).

J'achète mais, utiliser une définition plus souple de l'essence, choisir de rechercher chez les gens leur fond positif et leurs côtés brillants, accorder une plus grande part à ces facettes, n'est-ce pas déjà leur donner meilleure une chance de surmonter leurs blessures? N'est-ce pas une manière d'orienter les gens vers le meilleur plutôt que le pire (puisqu'ils sont capables des deux)? N'est-ce pas justement leur offrir plus de latitude et de "muabilité"?

Je crois que l'affirmation initiale ne nie pas la part d'illusion ou de mensonge que peut induire la blessure dans la séduction, je crois qu'elle la fait délibérément passer en second plan. Je ne crois pas qu'elle soit candide ou naïve au point de sous-entendre que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"... je crois plutôt qu'elle est un rappel que "tout le monde a du beau et tout le monde a du gentil"!

Et c'est pourquoi je crois qu'au final, mes deux sages se rejoindraient probablement aux quatrièmement et cinquièmement du deuxième texte. À mon avis, ils diffèrent surtout dans leur degré scepticisme.

J'aime bien l'idée de donner aux gens le bénéfice du doute, d'agrémenter l'objectivité et le réalisme d'une part de rêve et d'espoir, de chercher à se délester de la méfiance pour faire place à autre chose... "tricher" vers le positif (ou simplement mettre l'emphase là-dessus) pour infléchir la balance du monde dans ce sens là.

Food for thoughts...

mercredi 2 mars 2011

d'ici à se qu'on se rencontre...


Hier matin, presque de manière anodine, une personne plus âgée et plus sage m'a dit à propos du couple:

"On se séduit dans notre essence mais on se rencontre dans notre blessure."

Des phrases de même, dans ma tête, tu sèmes une graine le matin, t'as une plante en pot à 10h15 et une jungle amazonienne après le dîner.

On se séduit dans notre essence.

Aux premiers instants d'une relation, on aurait accès à la nature profonde de quelqu'un? Repensant aux qualités qui, dès le début, me charmaient chez les femmes importantes de ma vie, je confirme avec un sourire. Ces traits charmants ne s'estompent pas avec le temps. Au pire, on les perd de vue pour les retrouver intacts quand chacun repart avec son bagage.

Ces traits charmants ne s'estompent pas avec le temps, et ça me laisse fort à espérer pour quelqu'un à qui j'ai envie de dire, en gros, j'aime ton essence. (J'aurai quand même pris la peine de le lui dire autrement...)

On se séduit dans notre essence? Est-ce à dire que l'on ne séduit que d'une seule manière et que tout le monde, toujours, nous perçoit de la même manière et tel qu'on est réellement? C'est quoi, moi, mon essence? Food for thoughts...

Je serais plutôt porté à croire qu'on a tous des facettes dominantes et secondaires et que chaque rencontre peut nous faire briller légèrement différemment. On est des diamants. On est des sapins de Noël.

On se rencontre dans notre blessure.

On se séduit jusqu'à ce qu'on se rencontre. Et on se rencontre dans notre blessure. Aux premiers clashs, que l'on s'irrite seulement l'épiderme ou qu'on lacère profondément dans la chair, on est alors réellement en présence de quelqu'un, avec des failles et des zones sensibles. Pour le dire autrement, on commence par jouer au docteur pour se rendre finalement compte qu'on touche vraiment au bobo de l'autre.

C'est quoi, moi, ma blessure? Quelle est la blessure de l'autre? Est-ce qu'au fil des rencontres, au fil d'essences différentes, je retrouve toujours la même blessure? Food for thoughts...

Nos blessures s'épousent souvent aussi bien que s'agencent nos lumières. Triste constat à première vue parce que ça nous incite à stagner. Le trou d'inconfort qu'on connait est souvent plus facile à choisir que la pente drue qui permet de grandir.

Paradoxalement, nos blessures s'épousent bien mais elles se dévoilent l'une à l'autre en nous offrant au moins le choix de prendre la pente drue pour sortir du trou, en ayant même un compagnon de voyage.

En regardant tout ça, je me dis que j'ai avancé un peu, mais peu. J'ai hâte au voyage...

Et d'ici à ce qu'on se rencontre vraiment, je continue de me concentrer sur l'essence :)