samedi 11 septembre 2010

le néphrologue

Chaque famille, aussi belle soit-elle, a ses problèmes de santé spécifiques. Chez nous, c’est les reins. Mon arrière-grand-père et mon grand-père ont eu des problèmes de reins, mon père a des problèmes de reins, moi, mes futurs enfants et les leurs auront, selon toute vraisemblance, des problèmes de reins. Une tradition plusieurs fois centenaire, un héritage, un legs, une lignée d’insuffisants rénaux !

Le problème, c’est que durant toutes ces années on a ignoré que nous étions les fiers porteurs de cette tare génétique. Nous pensions être, selon les époques, d’ordinaires cancéreux, diabétiques, pris du coeur, lépreux et autres. Parce qu’en fait, aucun de nous n’est vraiment mort de ses problèmes de reins… mon grand-père y est presque arrivé mais au bout du compte, il y a toujours eu quelque chose d’autre pour nous emporter et voler le titre à l’insuffisance rénale.

Cependant, la science qui n’est jamais à court de surprise et d’imagination a éradiqué la lèpre, posé des pace-makers, contrôlé le diabète et prolongé les cancers tant et si bien que mon père a été épargné par tous ces malheurs.

C’est donc sans faire exprès, lors d’un contrôle de routine qu’on lui découvrit un alarmant taux de protéines dans l’urine.

On l’envoya chez le néphrologue -le spécialiste du rein- et on lui dit à peu près ceci :
« Les reins sont au nombre de deux et sont le filtre du corps. Ils envoient dans l’urine tout ce dont vous n’avez pas besoin et que vous auriez consommé en trop grande quantité : potassium, sodium, vitamines et déchets variés.
Ce sont des organes vitaux; sans eux vous seriez déjà mort.

Ce sont aussi des organes très puissants, vous savez Monsieur que de nombreuses personnes n’ont qu’un seul rein qui fonctionne et ne s’en apercevront jamais parce que celui qui marche se claque tout le travail.

Un problème comme le vôtre est héréditaire. Vous comprendrez maintenant que plusieurs symptômes de maladie de votre père que l’on imputait à son coeur et à son âge sont en fait des problèmes de reins non diagnostiqués. Il en va de même pour votre grand-père, votre arrière-grand-père et son père avant lui.

Dans votre cas précisément, vous êtes à 41% de capacité rénale… nous n’envisagerons ni greffe ni dialyse avant que vous tombiez sous la barre des 20%.

Comme nous ne savons pas réellement comment guérir ce problème, vous mangerez quelques pilules choisies au hasard dans notre pharmacie. »

Mon père fit cela durant quelques années mais sa capacité rénale continuait de chuter. Lors d’une autre visite, son néphrologue lui fit part d’une récente découverte :

« Il paraît que l’huile de saumon peu stopper la baisse de capacité rénale. Ainsi, mangez-en en quantité phénoménale, 12 capsules par jour pour être exact, jusqu’à ce que vous fassiez des rots au saumon, des pets au saumon et que votre haleine sente le saumon. On verra ce que ça donne… et achetez de la gomme. »

Après quelques mois, ils constatèrent avec autant de plaisir que d’incrédulité l’efficacité du traitement : 33% de capacité rénale, stable.

« Monsieur, je suis très content de vous annoncer que vous mourrez peut-être d’autre chose! »

Ce matin, je suis allé au CLSC pour prise de sang et échantillon d’urine sur recommandation de mon médecin. Avec mes antécédents familiaux, mieux vaut prendre des précautions. Au besoin, elle m’enverra chez un néphrologue, a-t-elle dit.

La pression est forte. Une tradition familiale plusieurs fois centenaire. Et fraîchement découverte, de surcroit. Dois-je la perpétrer, enfin lui donner l’importance historique qu’elle mérite ou oublier toute cette histoire de néphrologue et mourir d’une maladie plus conventionnelle?

[La triste nouvelle, c'est que j'ai écrit ça il y a longtemps et que mon père est en ce moment en dialyse et en attente d'une greffe. La bonne, c'est que non seulement, ça améliore ça qualité de vie mais ça le garde en vie!]

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