mercredi 4 novembre 2009

à la dérive

Je me réveille, lendemain de veille, en pensant que le soleil entre dans ma chambre alors que c’est ma lampe de chevet qui me tue les yeux ; j’étais trop saoul pour l’éteindre. Je m’accroche à quelque chose pour pas que ça bouge trop : mon lit, mon oreiller, la chaise, le cadre de porte. J’avance du mieux que je peux, comme une chaloupe à une seule rame. Je pense du mieux que je peux, le cerveau comme une éponge trempée dans la mélasse… la matinée va se vivre à la seconde.

Boire. N’importe quoi que je n’ai pas bu hier. Ma juste part du St-Laurent surtout.

Après avoir bu beaucoup d’eau, pris des comprimés pour le mal de mer et rebu beaucoup d’eau, je reviens à mon lit par le chemin inverse et je repense à hier.

Le problème avec moi, c’est qu’elle cache mal son amour des autres. Elle est partie depuis deux mois seulement et elle est tombée amoureuse quelques fois déjà. J’ai été chanceux: les premières fois c’était des clans, des jeunes, des vieux, des filles… mais hier, TAC.

Elle m’a contacté avant-hier et me l’a présenté, à l’écran. Pour me le rendre inoffensif, en faire mon ami même. Elle l’a touché, a fait des blagues pour me montrer que c’est le genre de gars avec qui on peut se permettre ça. Hier, elle devait travailler, occupation sacrée entre toutes qui, à Montréal, peut perturber les sorties prévues, lui faire oublier de manger, de boire, de dormir, de se laver… bref, lui faire arrêter tout ce qui n’est pas du boulot. Hier, elle n’a pas travaillé, elle est allée faire du vélo avec lui. « C’était génial », de son propre aveu. Elle n’a pas donné d’autre signe de vie que ce mot trop bref, se terminant par des baisers trop gros.

Dans mon imagination retournée, trop labourée et trop fertile je ne vois qu’une chose positive : la clarté brute du signal. Je sais qu’elle ne me veut aucun mal alors si elle est si peu discrète, c’est qu’elle veut que je sache… soit parce qu’il n’y a vraiment pas matière à s’inquiéter ou encore qu’elle se sent succomber et qu’elle veut que je nous sauve. Quand on a la main coincée dans un engrenage qui peut nous avaler tout entier, on appelle à l’aide.

Mais voilà, à l’autre bout du monde je perds du magnétisme, du pouvoir, du contrôle… et je l’aurai bien cherché. J’étais tanné d’être perçu comme l’empêcheur, l’obstacle. J’ai dit : « si ce voyage est important pour toi, fais-le ». J’avais une bombe à retardement sur les bras et elle m’a proposé d’aller exploser ailleurs. J’ai dit oui. Oui, en ayant l’impression de jouer à quitte ou double. Oui, en sachant qu’à presque que 29 ans, quand on quitte son boulot et son conjoint pour n’importe quel ailleurs, il y a des chances de ne pas revenir. Je la suis à distance. Dans ma longue-vue, j'aperçois son petit radeau affronter des tempêtes qui ne sont pas les miennes mais que nous aurions pu affronter à deux… si nous avions voulu tous les deux un peu plus.

3 commentaires:

  1. Intense ce texte, dramatique...tellement réel qu'on sent ton poul à travers chacune de tes phrases, ça fait mal, on a peur de lire la prochaine phrase en se disant que ça va sûrement frapper encore plus fort ...OUCH! Tout perdre après tant d'investissement, tout laisse tomber pour moins souffrir, en sortir grandi?...de mettre des mots sur ce que tu vis c'est pas facile! Un mot me vient en tête: Compassion!!

    Dom "Chicken Style" M.

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  2. Merci Dom,
    je savais pas que t'étais un lecteur et encore moins un lecteur sensible à ce genre de texte!

    Merci pour la compassion. J'aimerais mieux être jamais jaloux mais... mais rien. On a toujours qqch à cultiver.

    Je suis quand même content du voyage d'Elise et on se parle, même de ces trucs là.

    À une prochaine,
    François

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  3. wow. enlevant, touchant, bouleversant. ça me rejoint, tant par le style que par le fond. merci.

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