mardi 8 février 2011

sans trop se vanter

Ce gars-là, il écrit comme tu respires: un peu, toujours, sur une base régulière, parce que ça lui rend l'existence plus agréable.

J'ai envie de parler un peu de mon amour de l'écriture, du talent et du don... les nuances, ici comme dans la vie en général, sont d'une importance capitale.

Sans m'égarer, je dois commencer par parler de cours de guitare.

J'enseigne la guitare depuis maintenant 15 ans et j'entends chaque année des gens me dire des phrases comme: "J'aimerais donc ça jouer mais j'ai aucun talent". [Bruit de buzzer de type "mauvaise réponse"] HHIIIIIIN! (Ça s'écrit comme ça, j'ai vérifié)

Plus rarement, j'entends: "j'aimerais être bon mais je n'ai pas envie de mettre le temps nécessaire pour apprendre". GLING! (ici, vous aurez reconnu le bruit de buzzer de type "bonne réponse")

Pour moi l'amour d'une chose, c'est le point de départ du talent, ou à tout le moins ce qui permet de le développer. Le don, c'est une autre histoire. Petite confidence (qui est presque de notoriété publique): j'aime la guitare mais j'avais peu de talent... maintenant j'ai du talent mais je n'aurai jamais le don.

Mon amour de l'écriture. Non mais, c'est pas formidable ce médium là?!! En enlignant des caractères auxquels on a donné un sens on peut partager une pensée, des histoires, des émotions ou n'importe quoi dont on ait envie!

Chaque fois que je lis un auteur décédé, il est en train de me parler d'outre-tombe. Creepy? Pantoute: époustouflant!

On peut transmettre aussi bien notre bagage que celui de quelqu'un d'autre. Paraît que tel scientifique a dit "ci", que Boudha a dit "ça" et que Steve (prononcez Stive) fait dire "que".

On peut énoncer des faits, des mensonges ou des demi-vérités, comme ça nous chante. Entre vous et moi, allez donc savoir si Boudha a vraiment dit "ça" et si Steve fait vraiment dire "que".

Malade!

En plus, on peut jouer dans la tête du monde. UN ZÈBRE RAYÉ DANS LE MAUVAIS SENS AVEC UNE QUEUE EN TIRE-BOUCHON. Haha! Je t'ai eu, ça existe même pas! Mais tu l'as vu pareil!

En plus plus (je sais, ça se dit pas... mais ça se dit, puisque je viens de l'écrire), on peut créer mille images pour mille lecteurs à partir des mêmes mots. Si j'écris: "Pense à une photo de ton père", on verra tous une image différente... à moins qu'on soit frère/soeur et qu'on pense à la même photo ou que des pères jumeaux aient pris une photo identique.

Yé!

L'écriture, franchement, c'est trop hot! L'amour que je porte à l'écriture est bien plus grand que ÇA. Je pense que si je pouvais coucher avec l'écriture ou lui ériger une statue, je le ferais! Mais bon, faut passer à autre chose... snif.

Le talent. J'ai déjà bien entamé le sujet avec mon histoire de cours de guitare.

Mon point principal est le suivant: la majorité des gens ont au moins un peu de talent dans la majorité des choses, toutes les choses. Après, c'est l'amour et le temps qui aident à développer un talent.

Dans mon cas, j'ai la chance de me demander souvent ce que j'aime et je suis fier de m'être octroyé du temps pour m'y consacrer.

D'ailleurs, les gens me disent souvent: "T'es musicien/auteur/whatever, t'es chanceux, tu fais ce que t'aimes". [Son de buzzer mitigé ici] GLIIII-HIIIIN!

Pour préciser ma pensée, je reprendrai approximativement les paroles d'un analyste de hockey: "Les bons joueurs sont chanceux, les joueurs chanceux sont bons, dans cette ligue-là, il faut que tu fasses ta chance". Bonne nouvelle tout le monde (!!), dans toutes les ligues, il faut que tu fasses ta chance!

Un gros coeur peut combler tout le manque de talent, mais pas l'inverse. C'est pas moi qui ai inventé ça, mais c'est bon de taper sur le clou.

Le don. On arrive ici au véritable but de tout le billet: TAC! (et remarquez que le choix du titre n'est pas anodin, c'est sûr, j'ai un don, TAC encore!)

J'ai un don?? Moi?! Plus le temps passe et plus j'ose croire que oui...

Il y a des gens qui veulent et qui travaillent fort pour écrire et même qui finissent par très bien le faire, mais qui sentent que ça sera toujours un effort (je vous faisais une confidence sur la guitare tantôt... hep).

Pour moi, l'écriture c'est différent. Je suis doué avec les mots. Comme ça.

La chose belle et horrible du don, c'est qu'on le possède sans avoir l'impression d'avoir travaillé pour.

Accepter l'amour qu'on porte à quelque chose, c'est assez naturel. Accepter d'être fier de son travail est déjà un peu plus ardu. À partir de quand a-t-on assez travaillé pour oser être fier de soi? Mais accepter un don, ça frôle la outrageusement la vantardise.

Je parle de tout ça parce que j'ai envie d'accueillir ce don pour l'écriture et que je crois c'est nécessaire pour en tirer un jour le maximum, pour m'épanouir et en faire bénéficier les gens autour, humblement.

Je parle de tout ça parce que je suis certain que la majorité des gens ont un ou des dons réprimés, par gêne, par pudeur. Refuser un don, c'est pas de la modestie, c'est se priver et priver le monde d'un cadeau.

samedi 5 février 2011

le poids du sable

Sans le retourner, j'ai déposé sur ma table de chevet un petit sablier ; juste à la hauteur de mes yeux.

En ce moment, mon visage est si près de la fine parois de verre que j'ai presque l'impression d'être à l'intérieur.

Supposons que l'on puisse compter un à un les grains de sable tombant au fond d'un sablier et, simultanément, prendre une photographie n'importe où sur la terre.

J'ai le vertige. Combien de grains de sable dans une minute?

Certainement beaucoup plus que de jours dans une vie. Tant pis, je le retourne.

Grain 1. Seul dans mon lit, samedi matin, avec l'odeur des draps et la pénombre. La chambre est étroite et réconfortante.

En même temps que tombe le deuxième grain, un homme a perdu pied dans une échelle au Vietnam. Il se réincarne en touchant le sol.

Grain 3, une naissance donc.

Puis, un banc de poissons qui change de trajectoire.

L'herbe pousse.

Une poignée de main ridée entre deux frères qui se sont vus la veille.

Le sang s'écoulant normalement dans une veine.

Le même sang sur un écran d'ADN.

Grain 9. Maïs à 13 la douzaine.

Grain 10. Un compte à rebours avant une course de chevaux.

11. Près de chez nous, c'est encore l'hiver.

La tension monte dans une salle de nouvelle.

Des fourmis transportent trois morceaux de mouches.

Les ciseaux d'acier sont retournés sur le coussin et les dignitaires montent l'escalier de la nouvelle bibliothèque en piétinant un ruban rouge en deuil.

Dans sa voiture, un homme replace ses lunettes sur son nez en attendant au feu de circulation.

Un petit météore s'écrase sur Pluton.

Ça y est, j'ai quitté la terre. Si facile de perdre le fil.

Je reviens, en passant par Jupiter qui, elle, est encore une planète.

Le sable s'écoule en cascade. Combien de grains n'ai-je pas vu tomber? Dix mille? Cent? Quelques grammes.

Le temps sous la chute, impossible focus.

Je suis aspiré de l'autre côté de la paroi de verre, de retour dans ma chambre.

J'observe le monticule de sable, un volcan minuscule en train d'imploser. Combien d'univers se fabriquent et s'écroulent dans une seconde d'inattention?

4 252 095 771... au moins.